Ce mercredi 20 octobre j’étais auditionné par la Commission de la Défense de l’Assemblée en tant que Rapporteur pour avis du budget de la Marine nationale.
Préparation et emploi des forces & Action de l’État en Mer :
La Commission de la Défense examinait cette semaine les avis sur les différents budgets nécessaires au fonctionnement de nos armées et qui seront intégrés dans le Projet de Loi de Finances pour 2022. A ce titre, concernant le budget dédié à la « préparation et à l’emploi des forces », je présentais mon rapport pour avis sur le budget de la Marine nationale, pour la deuxième année consécutive.
Mon avis sur le budget est organisé en deux parties :
- Les crédits de la Marine ou le programme « préparation et emploi des forces : marine »
- L’Action de l’Etat en Mer
J’ai souhaité partager le contenu de mon audition et les questions posées par mes collègues parlementaires dont vous trouverez la vidéo, ainsi que le texte de mon intervention, ci-dessous.
Audition du mercredi 20 octobre 2021 :
Je me félicite que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse, qu’il soit, en outre, conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025 et que la Marine nationale bénéficie, une fois encore cette année, de l’effort de la Nation.
Comme il s’agit de la dernière année de la législature, je tenais à vous dire combien j’ai apprécié la mission de rapporteur pour avis du budget de la Marine pendant ces deux années.
Nous pouvons être fiers de notre Marine nationale qui a su se réarmer tant en équipements qu’en ressources humaines. Je vous l’avais dit l’an dernier chers collègues, la menace viendra sans doute de la mer, après des années d’une lecture géopolitique plus terrestre. De fait, la Marine nationale est confrontée à deux phénomènes d’ampleur : la contestation du droit et des espaces maritimes partout dans monde d’une part, et d’autre part le développement rapide de nouvelles puissances navales aptes à la défier, comme la Chine… pour ne pas la citer.
Dans ce contexte, la Marine doit envisager un retour de la guerre en mer comme l’a indiqué devant notre commission l’Amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine.
J’en viens aux crédits de la Marine, auxquels j’ai consacré la première partie de mon rapport.
- Première partie de l’avis : les crédits de la Marine ou le programme « préparation et emploi des forces : marine »
En 2022, l’action 3 « préparation des forces navales » du programme 178 sera dotée de 4,05 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,8 milliards en crédits de paiement.
Les crédits du projet de loi de finances pour 2022 confirment l’effort de réarmement de notre Marine nationale entrepris depuis la LPM 2019-2025.
Ainsi, en 2022, le renouvellement accéléré de nos capacités opérationnelles se traduira par des livraisons nombreuses, parmi lesquelles :
- 4 avions de patrouille « Atlantique 2 » rénovés,
- un sous-marin type Suffren,
- une frégate multi-mission à capacité de défense aérienne renforcée,
- une frégate type Lafayette rénovée,
- un bâtiment ravitailleur de forces,
- un module de lutte contre les mines (SLAMF),
- 15 stations navales connectées au satellite de télécommunication Syracuse IV,
- un lot de torpilles lourdes Artemis et 25 missiles Exocet.
Par ailleurs, les grands programmes liés aux infrastructures seront poursuivis en 2022. Avec l’arrivée de nombreux bâtiments nouvelles générations, la maitrise des programmes d’infrastructure est cruciale.
Enfin, en cohérence totale avec la politique d’innovation ambitieuse votée par la majorité dans le cadre de la LPM et menée par le gouvernement, la Marine, en concertation avec l’écosystème de l’innovation de défense, innove, en vue de conserver l’ascendant sur l’adversaire.
En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des équipements (MCO), l’investissement se poursuit en 2022 même si ses effets en termes d’accroissement de l’activité ne se manifesteront qu’en 2023. Symbole la prise de conscience de son caractère stratégique, les ressources consacrées au MCO passent le cap des 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Enfin, je vous livre un dernier motif de satisfaction qui concerne le plan stratégique Mercator.
Dans un contexte d’amplification des tensions géopolitiques et du retour plausible du combat naval, la Marine nationale a décidé l’accélération du Plan Mercator, en l’articulant autour de trois axes majeurs : une Marine de combat, une Marine en pointe et une Marine de tous les talents.
Cette stratégie volontariste est primordiale pour garantir et développer notre capacité d’action sur tous les théâtres d’intervention.
Voilà pour la remontée en puissance de notre marine.
Mes chers collègues, pour résumer, les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d’engagement :
- la permanence de la posture de dissuasion ;
- la défense de notre territoire maritime, pour laquelle la marine est chargée de missions relevant de l’action en mer (AEM) ;
- plusieurs théâtres d’opérations, notamment l’Indopacifique, le Golfe de Guinée, l’Atlantique, la Méditerranée centrale et orientale.
Sur ce dernier point, je souligne dans mon rapport que le rythme d’engagement opérationnel de notre Marine est particulièrement soutenu, dans un environnement géostratégique en pleine mutation.
Le retour des États-puissances est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage ou une démonstration désinhibée de la force militaire, ce qui est une source de préoccupation majeure.
En réaction, notre Marine doit se doter des moyens nécessaires pour manifester, très concrètement, l’attachement de la France au droit international et à la liberté de navigation.
- Deuxième partie de l’avis : l’Action de l’État en Mer
Quotidienne et indispensable, l’Action de l’État en Mer (AEM) désigne l’ensemble des opérations maritimes menées par le Gouvernement dans l’intérêt public sur ses propres ressources, à l’exception des missions de défense.
Avec 10 domaines d’intervention variés – de la souveraineté et protection des intérêts nationaux, en passant par la sauvegarde des personnes et des biens en mer, la protection de l’environnement ou encore la lutte contre les activités maritimes illicites – divisés en 45 missions distinctes définies par l’arrêté du 22 mars 2007, l’AEM est une politique interministérielle particulièrement aboutie qui constitue le cadre légal des missions de protection et de sauvegarde des intérêts nationaux de la France en mer.
J’ai souhaité faire un zoom sur l’AEM en Atlantique, pas seulement par tropisme breton, mais parce que les enjeux sur cette zone sont considérables, en augmentation continue depuis 30 ans et toujours plus complexes.
Spécifité organisationnelle française dont nous pouvons être fier, les préfets maritimes, ou les délégués du Gouvernement pour l’AEM, en outre-mer, sont les responsables de l’AEM dans leur zone maritime respective. Leur action est animée coordonnée par le Secrétaire général de la mer (SGMer), sous l’autorité du Premier ministre.
Le SGMer préside également le comité directeur de la fonction garde-côtes, dont le rôle est d’organiser la coordination et la mutualisation des moyens de l’ensemble des administrations intervenant en mer et sur le littoral, soit de huit entités : la Marine nationale, la Gendarmerie maritime, la Gendarmerie nationale, les Affaires maritimes, la Direction Générale des Outre-Mer, les Douanes, la Police aux frontières et la sécurité civile.
Je vais d’abord rappeler, car je suis le rapporteur Marine, le rôle primordial de la Marine nationale.
Première contributrice de la fonction « garde-côtes » en termes de moyens engagés, la Marine nationale y consacre le quart de son activité. La Gendarmerie maritime consacre, elle, la totalité de son activité en mer à l’AEM.
Dans la zone maritime Atlantique, sous l’autorité du préfet maritime de l’Atlantique, la Marine nationale contribue aux missions incombant à l’État en mer, aux côtés des autres administrations disposant de moyens d’intervention.
Engagée au quotidien dans la quasi-totalité de ces missions, la Marine s’appuie à la fois sur ses capacités côtières (sémaphores, patrouilleurs, hélicoptères, avions de surveillance) et sur ses moyens plus lourds pour l’intervention au large. Elle intègre également les forces indispensables de la gendarmerie maritime (1157 personnes réparties sur le territoire), assurant l’interface entre la mer et la terre jusque dans les ports.
Efficiente par nature, l’activité au profit de l’AEM demeure très difficilement dissociable de celle dévolue aux missions militaires car elles sont réalisées pour la plupart simultanément. Toutefois, sur les trois dernières années, l’effort moyen journalier de la Marine sur le territoire national montre une tendance croissante nette.
À périmètre de ressources humaines contraint, le taux d’effort s’est intensifié pour passer, en 2017, de 1680 marins engagés quotidiennement, à près de 2000 en 2021.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur la hausse des perspectives d’engagement des moyens de la Marine nationale sur le périmètre de l’AEM à l’échelon national en raison :
– du nécessaire renforcement du contrôle des espaces maritimes sous juridiction qui sont de plus en plus pillés et contestés ;
– de la compétition pour les ressources halieutiques, l’exploitation des fonds marins et le contrôle des routes maritimes pour lequel les États s’arment de marines océaniques ;
– de zones de tensions qui couvrent aujourd’hui le nord de l’océan Indien et qui vont probablement s’étendre, notamment au canal du Mozambique ;
– de l’exigence de protection amenée à perdurer et qui nécessite pour la Marine nationale d’être en mesure, au-delà de ses installations, de répondre au besoin croissant de renforcement de la protection des grands événements sur la frange littorale (sommets politiques, Jeux olympiques 2024 à Marseille, etc.) ;
– des foyers de tensions qui se profilent à nos portes. Dans l’espace zone Manche et mer du Nord, je pense particulièrement aux tensions post-Brexit dans le monde de la pêche ;
– de la surveillance, pour la France et l’Europe, des flux migratoires en mer, qui ne montrent pas de signes d’essoufflement et induisent la permanence de moyens de sauvetage. J’en profite pour évoquer devant cette commission l’épuisement des sauveteurs en Mer qui font face au doublement des tentatives de traversées de la Manche cette année. Au-delà d’un sujet de tensions entre Paris et Londres, ce drame humanitaire nécessiterait bien davantage qu’une simple mention dans un discours ;
– de la préservation de l’environnement et de la maîtrise des risques, naturels et anthropiques, qui sont amplifiées par le développement d’activités économiques sur le domaine maritime et sur le littoral ;
– de l’accroissement de la responsabilité de l’État sur la protection des activités au-delà de la mer territoriale, notamment pour ce qui relève de la préservation du patrimoine naturel des espaces maritimes.
Je tenais de plus à souligner que dans ce dispositif, les moyens pourraient venir à manquer. Ainsi, la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), dont le financement repose à 75 % sur des fonds privés, est toujours plus sollicitée, notamment pour le sauvetage le week-end et la nuit car les autres services de l’État sont saturés ou en repos.
Pour la façade Atlantique, les enjeux sont prégnants : les trafics et la pêche illicites, la sureté maritime, et surtout la protection de l’environnement.
Pour conclure, j’ai noté dans mon rapport un point de vigilance sur les énergies marines renouvelables, les EMR. Les tâtonnements règlementaires et opérationnels sont réels dans ce secteur en pleine expansion. Il est regrettable qu’il n’y ait pas de porteur identifié (État, opérateur …) sur ce dossier, comme il y en a eu dans les années 1960 pour le développement de l’énergie nucléaire.
Téléchargez le texte de mon audition : ICI.
Bravo monsieur le député. Présentation très instructive et énoncée de manière compréhensive.
Merci pour la Marine
Cordialement