Une loi parue au Journal officiel vise à lutter contre le dumping social sur les compagnies de ferries entre la France et la Grande-Bretagne. Elle garantit un salaire minimum et un temps de repos équivalent au temps passé en mer.
Le Royaume-Uni s’est déjà doté d’un tel dispositif après l’émoi suscité par le licenciement l’an dernier de 800 salariés de la compagnie P&O Ferries remplacés par des ressortissants de pays à bas coût.
La loi « visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime » est parue au Journal officiel, le 27 juillet, huit jours après avoir été définitivement adoptée par le Parlement. Comme le Sénat, l’Assemblée a adopté cette proposition de loi à l’unanimité et à l’identique, pour éviter une navette parlementaire.
Préparé par le député Renaissance Didier Le Gac (Finistère) et par le député communiste Sébastien Jumel (Seine-Maritime), le texte, qui a reçu le soutien des présidents des trois régions concernées, vise à protéger la compagnie française Brittany Ferries de la concurrence déloyale. L’affaire remonte à mars 2022 : l’armateur P&O Ferries licenciait 800 marins britanniques, employés à bord de navires battant pavillon chypriote, pour les remplacer par des ressortissants de pays à bas coût. Une « bombe sociale », pour reprendre l’expression de Sébastien Jumel, qui avait suscité un vif émoi chez les marins et les élus. Ils avaient lancé un appel à Saint-Malo, en novembre 2022.
Cette loi dite « de police » (qui cherche à protéger les intérêts du pays) s’inscrit en miroir à une loi similaire déjà votée au Royaume-Uni et qui devrait entrer en vigueur au début de l’année 2024. La nouvelle loi française vient ainsi instaurer un salaire minimum horaire pour les personnels qui opèrent sur les lignes transmanche de transports de passagers (quel que soit le pavillon du navire), ainsi qu’une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de leur embarquement. Des décrets viendront en préciser les modalités. La loi sanctionne par ailleurs l’admission à bord de « gens de mer » étrangers (c’est-à-dire tous les personnels de bord) ne disposant pas d’un certificat d’aptitude médicale valide.
« Quelques batailles homériques dans les mois prochains »
Les manquements à ces règles pourront faire l’objet de sanctions pénales, avec autant d’amendes que de salariés concernés (7.500 euros par salarié), et administratives. Un avertissement étant toutefois possible au préalable. Des députés RN et Nupes avaient tenté, en vain, de durcir ces sanctions et de rétablir l’interdiction d’accoster – une mesure retirée par le Sénat – comme le prévoit la loi britannique. « Vu que, sur un navire de transport de passagers, on peut compter jusqu’à 200 marins », la loi est « très dissuasive », a assuré le ministre chargé de la mer, Hervé Berville, lors de l’examen en séance le 19 juillet.
« La France est désormais dotée d’un dispositif protecteur unique dans l’espace européen », s’est-il félicité, s’attendant toutefois à « quelques batailles homériques (…) dans les mois prochains » avec les autres pays européens. L’enjeu : convaincre les États membres d’appliquer les mêmes règles.
© Article paru le 27 juillet 2023 sur le site de la Banque des territoires