C’est le message que sont venus porter Olivier Allain, coordinateur national des États généraux de l’alimentation, et Jean-Baptiste Moreau, rapporteur du projet de loi agriculture et alimentation, lors d’une réunion publique, le 8 juin dernier, à Milizac-Guipronvel (29).
« Les EGA, les États généraux de l’alimentation ? C’était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron », rappelle Olivier Allain devant une salle comble, vendredi dernier, à Milizac-Guipronvel. Comme il l’avait déjà fait un an auparavant, presque jour pour jour, il a à nouveau répondu à l’invitation de Didier Le Gac, entre-temps élu député. Et c’est en duo, avec Jean-Baptiste Moreau, agriculteur et député de la Creuse, qu’il a brossé à grands traits la genèse du projet de loi agriculture et alimentation.
Retrouver du prix
« Nous avons réussi à mettre autour de la table des gens qui s’aiment peu ou pas : syndicalistes, distributeurs, industriels de la transformation, ONG… 70 organisations au total ! Et la loi est le fruit de cet ensemble composite ». Pour le coordinateur national des EGA, la commande était claire. « Il fallait faire en sorte de retrouver un prix qui permette de rémunérer les agriculteurs ». Car il est inutile de compter sur les aides. « Les dépenses publiques consacrées à l’agriculture ont augmenté de 2 milliards d’euros. Et le revenu agricole n’a jamais été aussi mauvais. La réponse au problème agricole ne peut plus être budgétaire ! »
Pour tenter d’influer sur les prix, les EGA ont ciblé quatre pistes. « Créer de la valeur en augmentant le seuil de revente à perte et en limitant les promos. Ramener cette valeur aux agriculteurs en tenant compte des coûts de production lors des négociations commerciales avec la grande distribution, énumère Olivier Allain. Mais l’État devra aussi montrer l’exemple en s’approvisionnant à 50 % en produits locaux ou bio ». Et la France, « pays de l’excellence alimentaire », devra encore monter en gamme pour « récupérer de la valeur ajoutée et s’extraire des prix de marché », notamment à l’export.
Expérimenter
Adopté par les députés, le projet de loi agriculture et alimentation va maintenant être soumis au vote des sénateurs. Et déjà, ici et là, des voix s’élèvent, estimant avoir été trahies. « Je comprends qu’il y ait une forte attente des agriculteurs, affirme Olivier Allain. Certains n’en peuvent plus. Mais cette loi n’est pas comme les autres. Et il faudra attendre la fin des négociations commerciales, en février prochain, pour voir si elle a porté ses fruits ».
« On lance une expérimentation sur deux ans », rajoute Jean-Baptiste Moreau. Éleveur de limousines et député de la Creuse, il est le rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale. « Si la guerre des prix continue, si la grande distribution ne joue pas le jeu, on adoptera des mesures plus coercitives ». Mais là comme sur le dossier du glyphosate ou des poules en cage, le Gouvernement préfère d’abord faire confiance aux acteurs. « Sur ces deux sujets, c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas mis de date butoir ». Ce qui a pu être interprété comme une reculade, notamment par certaines ONG.
Manger a un prix
« Mais la loi ne fera pas tout, rajoute aussitôt le rapporteur. Il faut aussi que la profession agricole parvienne à s’organiser en OP et AOP pour peser face à la grande distribution ». Et les consommateurs auront aussi un rôle à jouer. « Nous entendons leurs demandes. Mais il est temps qu’ils deviennent consom’acteurs, qu’ils traduisent leurs demandes en actes d’achat, qu’ils acceptent d’en payer le juste prix. Et qu’ils se sortent enfin de la tête que manger ne coûte rien ! »
Fiscalité et retraites
À peine la loi agriculture et alimentation portée devant députés et sénateurs que déjà de nouveaux sujets sont mis sur la table. « Nous voulons re-toiletter la fiscalité agricole, indique Jean-Baptiste Moreau. La rendre plus souple et plus adaptée aux exploitations agricoles d’aujourd’hui ». Les retraites agricoles seront traitées dans le cadre de la réforme globale des retraites. « Certes, elles sont trop faibles, estime le député. Mais il est hors de question de faire supporter leur augmentation aux actifs agricoles. Il faut que la solidarité globale joue ». Enfin, une mission est en cours sur le foncier agricole. « Nous voulons à la fois éviter l’accaparement des terres agricoles et leur bétonnage. Une loi devrait voir le jour fin 2018-début 2019 ».