Point sur le développement de la filière de l’énergie hydrolienne sur le site de Ouessant et en France
Vendredi 6 décembre, je me suis entretenu à la permanence parlementaire avec Jean-Christophe Allo, ingénieur spécialisé dans la filière hydrolienne. A la tête de la société Laminak Energy située à Quimper, Monsieur Allo a été missionné par le groupe britannique Inyanga pour piloter le projet « D10 ». Cette turbine capte l’énergie des courants marins du passage du Fromveur et alimente l’île d’Ouessant depuis 2015.
Lors de ce rendez-vous, Monsieur Allo est revenu sur tout l’historique de ce projet et ses perspectives d’avenir. J’ai également pu recueillir son expertise sur la filière de façon plus globale, et sous quelles conditions elle peut selon lui prendre son essor en France.
Le développement de la filière hydrolienne au sein du mix énergétique français est un enjeu sur lequel je me suis fortement mobilisé ces dernières semaines, notamment au sein de la coalition parlementaire transpartisane initiée par ma collègue Anna Pic.
> Sur les actions récentes en faveur de l’énergie hydrolienne :
Création d’une coalition parlementaire transpartisane – 28 octobre 2024
Rendez-vous avec la ministre de l’Energie – 27 novembre 2024
2015 : la première hydrolienne raccordée au réseau électrique français est finistérienne !
Salarié de l’entreprise Sabella entre 2012 et 2020, Monsieur Allo a suivi de très près le projet « D10 ». Il l’avait d’ailleurs présenté en 2019 à l’Assemblée nationale.
Après trois années de travaux de recherche et la conception de divers prototypes, c’est en 2011 que l’entreprise quimpéroise a finalisé son projet intitulé « D10 ». Le passage du Fromveur apparaît comme un terrain d’expérimentation privilégié : situé entre l’archipel d’Ouessant et Molène, ce site est un gisement à fort potentiel pour l’énergie hydrolienne.
D10 a convaincu les pouvoirs publics ! Sabella a en effet été lauréate de l’appel à projet de l’ADEME « démonstrateurs d’énergies marines renouvelables » et a bénéficié d’un soutien financier de l’Etat ainsi que de la Région Bretagne.
En 2015, place aux travaux pratiques. L’hydrolienne ainsi que le câble d’export de l’électricité sous-marin ont été installés et raccordés à Ouessant. Immergée à une profondeur de 55 mètres, la turbine mesure 17 mètres de haut et présente un diamètre de 10 mètres. Elle est dotée d’une puissance d’1 mégawatt.
D10 est ainsi devenue la première hydrolienne à fournir de l’électricité au réseau français.
Les premiers résultats, très prometteurs, ont validé l’intérêt de cette expérimentation et mené à sa reconduction, au-delà des 12 mois initialement prévus. Divers ajustements techniques ont été réalisés au cours de ces dix dernières années afin d’améliorer l’efficacité de cette technologie. La turbine a ainsi été relevée à plusieurs reprises et j’ai eu l’opportunité d’assister à l’une de ces opérations de contrôle en 2018.
=> Depuis avril 2022, la turbine est à l’eau et fonctionne de manière continue.
2024 : une innovation reboostée par Inyanga
Le redressement judiciaire de l’entreprise Sabella en octobre 2023 faisait peser d’énormes doutes quant à l’avenir de cette hydrolienne.
Comme me l’explique Monsieur Allo, renoncer à la poursuite de D10 aurait été un non-sens.
D’autant que l’expérimentation, engagée depuis 2015 et fortement soutenue par les pouvoirs publics (conseil régional de Bretagne, ville de Quimper, Brest Métropole), avait non seulement prouvé la fiabilité de l’installation mais aussi permis de consolider un réel savoir-faire. Au-delà du projet en tant que tel, l’abandon ou le démantèlement de D10 aurait été un signal très négatif adressé à cette filière, encore émergente. Cette opération aurait, qui plus est, généré des frais financiers de relevage significatifs.
Fort heureusement, le groupe britannique Inyanga s’est positionné pour reprendre l’hydrolienne D10. L’entreprise – qui propose des opérations en mer et des services d’ingénierie – est l’un des leaders sur le marché de l’énergie hydrolienne : elle exploite plus de 60 % des installations européennes. Elle s’attache à développer des turbines plus légères, avec des contraintes d’installation et de maintenance moindres, aboutissant in fine à une réduction des coûts associés. Sachant que l’un des points bloquants à l’essor de la filière est le montant relativement élevé de l’investissement et des opérations de maintenance.
Inyanga ne partait pas d’une feuille blanche puisque depuis 2016, c’est elle qui avait réalisé pour le compte de Sabella toutes les opérations en mer sur l’hydrolienne D10. L’entreprise s’est, par ailleurs, entourée de plusieurs anciens salariés de l’entreprise quimpéroise experts sur ce dossier : Diane Dhomé, cheffe de projet dans le bureau rennais d’Inyanga, et Jean-Christophe Allo, dont 50 % de l’activité professionnelle est actuellement consacré à D10. Une garantie supplémentaire pour poursuivre en toute sérénité le déploiement de cette expérimentation.
En raison du cadre règlementaire complexe, la reprise de la solution D10 a cependant mis du temps. Mais l’entreprise a pu compter sur le soutien des services de la préfecture ainsi que de la DDTM. En octobre 2024, elle a ainsi obtenu tous les sésames exigés pour exploiter l’hydrolienne. L’autorisation d’occupation temporaire, valable jusqu’au 31/08/2028, permet de lancer de nouvelles pistes de développement sur du plus long terme. Avec toujours pour souci de maintenir en vie le plus longtemps possible D10.
La suite : quelles conditions pour l’essor d’une filière française ?
De nombreux pays européens ont une longueur d’avance sur la France, en particulier le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
Ingaya a l’ambition de développer l’énergie hydrolienne sur le marché français.
Pour lancer son développement en France et donc son industrialisation, trois points doivent être pris en compte selon Jean-Christophe Allo :
- la visibilité – d’où l’importance de la programmation pluriannuel de l’énergie qui fixe les grandes orientations.
- la fiabilité de cette énergie.
- la forte dépendance de cette énergie de la ressource. Le prix d’achat ne pourra pas être identique selon les sites car il dépendra de la puissance du courant mais aussi des coûts de raccordement : plus la turbine est éloignée des côtes, plus le coût s’avère élevé.
Je remercie Monsieur Jean-Christophe Allo pour toutes ces informations précieuses qui éclaireront les travaux de la coalition et que nous pourrons porter auprès du prochain Gouvernement !
– 6 décembre 2024 –