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Les maires vent debout contre la multiplication des procédures judiciaires pour prise illégale d’intérêts © Le Figaro

Le journal Le Figaro, dans son édition du 17 juillet 2025, traite de la question des conflits d’intérêt dits « public-public », un sujet que j’ai porté dans le cadre de l’examen de la proposition e loi dite « loi Gatel ». Je me réjouis de la clarification ainsi obtenue. Avec la suppression de cette notion, qui n’existait dans aucune autre grande démocratie et qui créait un climat de suspicion à l’égard des élus. Dans le Finistère comme ailleurs, trop d’élus ont ainsi été poursuivis au titre de leur engagement public. Aussi, cette clarification permettra de sécuriser leur action.

 

RÉCIT – Après les sénateurs, les députés ont adopté un texte qui affaiblit la portée de cette infraction. Sa définition actuelle provoque, selon les élus, des situations kafkaïennes, avec une hausse des poursuites pénales.

Pour satisfaire la demande de la Fédération française de cyclisme, Dominique Cap, le maire de Plougastel-Daoulas (Finistère), avait sacrifié tout son été pour organiser, en 2018, le championnat de France des jeunes dans sa commune. Un succès. Transformée en circuit, la ville avait vibré au rythme des exploits sportifs durant plusieurs jours. Mais, revers de la médaille, il y a aussi eu l’humiliation. « Pour toute récompense, indique l’élu, j’ai été traîné devant les tribunaux. »

Cet enfant du pays, dont la famille cultive des fraises de génération en génération, et que tout le monde ici appelle « Dom », a été condamné il y a quatre ans pour prise illégale d’intérêts. Une infraction qui charrie malhonnêteté et vénalité dans son sillage, passible de 5 ans de prison, de 500.000 euros d’amende et de 5 ans d’inéligibilité. Le tort de l’édile ? Avoir assisté pendant plusieurs jours au vote d’une délibération portant sur le versement d’une subvention à l’association qui organisait les épreuves cyclistes nationales et dont il était coprésident.

(…)

Une jurisprudence qui s’est durcie et des juges plus répressifs

« Mais le plus dur est fait », estime le député Renaissance du Finistère Didier Le Gac, qui a été à la manœuvre. Le parlementaire a retaillé les contours de l’infraction figurant dans l’article 18 de la proposition de loi afin de la rendre acceptable. Et, selon lui, les sénateurs ne devraient guère apporter de retouches. « Avec ces dispositions qui ont été votées, il ne s’agit pas de garantir l’impunité aux élus, mais de mettre fin à des situations kafkaïennes », souligne-t-il. Comme toutes ces réunions locales où le débat n’a pas lieu… faute de débatteurs : « Redoutant la prise illégale d’intérêts, les maires, les adjoints, les conseillers départementaux et autres élus quittent aujourd’hui systématiquement les séances où l’on délibère et où l’on vote », décrit le député de Bretagne.

En effet, nombreux sont ceux qui redoutent les foudres d’une justice devenue plus répressive. Ainsi, c’est tantôt un conseiller départemental qui, par précaution, prend la porte alors qu’il est mandaté pour siéger au sein d’une assemblée d’un service départemental d’incendie que gère sa collectivité. Tantôt c’est un maire adjoint qui, se rendant à une réunion du syndicat des eaux pour porter la parole de sa commune, s’éclipse soudain. « Car dans certains cas ils peuvent voter et être présents et dans d’autres, non. Cette incertitude est telle que, au moindre doute, ils préfèrent quitter la salle par précaution. La loi dite 3DS de 2022 avait bien tenté d’offrir plus de clarté en listant les situations autorisées et les exceptions », explique Luc Brunet, de l’Observatoire de la Smacl, l’assureur des collectivités locales. Mais la tentative a été désastreuse. « Ce texte partait d’une bonne intention mais il a complexifié le cadre juridique au point de devenir illisible pour nombre d’élus », assure-t-il.

Le vaudeville administratif, où les portes des salles de réunion claquent pour faire sortir et entrer les élus, s’est donc poursuivi, faisant plonger la vie locale dans le burlesque. « Les élus les plus compétents ne sont parfois plus là pour nourrir le débat », se désole Éric Krezel, vice-président national de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). « Des majorités perdent parfois la majorité lors d’un vote car leurs élus ont quitté la séance », se désespère Didier Le Gac.

S’il est définitivement voté en l’état, l’article 18 mettra fin à ces aberrations. « Il met ainsi un terme aux conflits d’intérêts dits “public-public” », se félicite le député du Finistère. Les députés ont aussi décidé que la prise illégale d’intérêts ne pourra plus être retenue s’il existe un « un motif impérieux d’intérêt général » à agir. Ainsi, un maire qui fera appel à la seule entreprise de son village, gérée par un membre de sa famille, pour venir à bout, en urgence, d’une inondation ne pourra plus être traîné devant les tribunaux. De même, l’infraction ne pourra plus être constituée lorsque l’intérêt porté est un « intérêt public ».

 

© Le Figaro du 17 juillet 2025

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