La FOST au cœur de la dissuasion nucléaire française.
En tant que membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées je participe régulièrement aux auditions des différentes autorités militaires en charge de nos forces maritimes, aériennes et terrestres.
Ce mercredi 5 juin nous avons notamment reçu le Vice-amiral Bernard-Antoine MORIO de l’ISLE, Commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (FOST) depuis le 1er mai 2018, celui que les marins et sous-mariniers appellent « ALFOST ».
Bien connue des Brestoises et Brestois la FOST, dont la base opérationnelle est située à l’Ile Longue et l’état-major dans les locaux de la Préfecture maritime à Brest, participe pleinement à notre stratégie de dissuasion aux côtés de la composante aérienne.
La FOST en détails :
L’audition de l’Amiral MORIO de l’ISLE était l’occasion de faire le point sur la FOST et de souligner sa mission principale : fournir une capacité de frappe en second (ie. riposte), une capacité conférée par l’invulnérabilité du sous-marin, « non-détectable », qui doit tirer pour neutraliser totalement un pays ennemi. En cas de conflit nucléaire et de tir réalisé par un SNLE, celui-ci devient immédiatement vulnérable car il sera repéré et donc neutralisé. C’est ce tir ultime d’un sous-marin de la FOST qui doit permettre de sanctuariser l’Hexagone.
Aujourd’hui le FOST est composée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) basés à l’Île Longue et équipés de missiles M51:
– Le Triomphant (1997) ;
– Le Téméraire (1999) ;
– Le Vigilant (2004) ;
– Le Terrible (2010).
Un de ces SNLE est en patrouille en permanence depuis 1972, date de la création de la FOST. Si nécessaire, il est possible de déployer deux SNLE en mer. C’est cette permanence en mer qui a déterminé le nombre minimum de quatre SNLE (1 en mer pendant trois mois environ, 1 qui prend le relais, 1 en chantier de transformation, 1 en réserve). Confirmée par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, le lancement du SNLE 3eme génération est prévu en 2020 pour un remplacement des SNLE actuels dans la décennie 2030.
La FOST se compose également de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et d’unités assurant le contrôle et le soutien de ces sous-marins. Ces sous-marins d’attaque, contrairement aux SNLE, sont déployés loin des côtes françaises et pour de longues durées. Ils réalisent principalement des missions de renseignement et interviennent contre les menaces sous-marines et de surface. Ils participent également à la protection des SNLE et à celle du groupe aéronaval. Les Barracuda sont les futurs successeurs des six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) actuels de type Rubis.
Tandis que 38 pays possèdent actuellement des sous-marins d’attaque, seuls six disposent de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins : les Etats-Unis, la Russie, la France, la Chine, le Royaume-Uni et l’Inde. Le Brésil est actuellement en train d’en assembler un, à propulsion conventionnelle cependant.
Quelques chiffres sur les personnels embarqués :
– 3800 personnes dont environ 800 sous-mariniers sont embarqués dans les équipages de SNLE ;
– 120 marins le sont dans les équipages des centres de transmission de la marine (CTM) ;
– 700 personnels sont affectés à la protection et à la sécurité des sites (fusiliers marins, gendarmes maritimes, marins pompiers) ;
– 18 unités sont présentes sur 6 emprises ;
– 25 métiers différents sont représentés (soit 80 qualifications) ;
– L’âge moyen du personnel embarqué est de 30 ans. En 2014, il a été décidé de lancer l’expérimentation de la féminisation des équipages de sous-marins. A l’issue de leur formation, quatre femmes ont réalisé, avec succès, leur première patrouille de SNLE au printemps 2018.
En termes d’implantation, la FOST c’est :
– 4 centres de transmission marine (CTM). Ils sont répartis sur l’hexagone à Rosnay (36), Sainte Assise (77), France Sud (11), Kerlouan (29). Leur mission est de relayer les ordres gouvernementaux et les messages du commandant de la FOST vers les sous-marins nucléaires français en opération ;
– 1 centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique (CIRA). Ce centre est la maison mère des « oreilles d’or », des marins à l’ouïe exceptionnelle pour écouter et reconnaître les bruits de l’océan. Le centre a récemment été mis à l’honneur dans le film « Le Chant du Loup » d’Antonin Baudray ;
– 2 escadrilles : une à Brest, une à Toulon ;
– 1 base opérationnelle à l’Ile Longue sur la presqu’île de Crozon.
La FOST sert donc la dissuasion nucléaire française « clé de voûte de notre stratégie de défense » :
Jugée « plus que jamais essentielle » par la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, le Président de la République a décidé de procéder au renouvellement des deux composantes (océanique et aérienne) de la dissuasion. Ces deux composantes sont « indissociables et complémentaires ».
Envisagée comme une stratégie « purement défensive », la dissuasion française permet à notre pays de préserver sa liberté d’action en toutes circonstances. Il ne s’agit pas, pour la France, de concevoir cette arme comme un moyen tactique employable sur le champ de bataille mais comme un moyen d’empêcher un éventuel adversaire d’espérer tout bénéfice d’une atteinte à nos intérêts vitaux. Basée sur les notions de crédibilité et de stricte suffisance, la stratégie de dissuasion nationale s’emploie à agir sur la volonté d’un pays ennemi en le dissuadant de s’attaquer à la France et à ses intérêts vitaux (dialectique des volontés).
Notre dissuasion s’appuie sur une doctrine particulière structurée notamment par le fait que, depuis la fin de la Guerre Froide, la dissuasion ne s’inscrit plus nécessairement dans une dissuasion « du faible au fort » organisée autour d’une riposte massive. Elle doit désormais être capable de s’adapter au contexte stratégique. Un avertissement nucléaire est donc envisageable pour prouver la détermination de la France. Sinon, l’objectif ultime de l’arme nucléaire est bien de créer des dommages inacceptables (notion de terreur) aux ennemis du pays.
Ensuite, la diversité des vecteurs de la force nucléaire française repose sur la complémentarité de leurs effets militaires ainsi que sur la différence de leur mise en oeuvre, de leur portée et de leur mode de pénétration.
Enfin, le principe de stricte suffisance permet à la France d’assurer sa sécurité avec moins de 300 têtes nucléaires, tout en se montrant exemplaire en matière de désarmement nucléaire.
Les crédits associés à la dissuasion sont en augmentation avec une hausse de 62,2 % qui s’explique par la volonté de rénovation des deux composantes de la dissuasion française avec, notamment :
– La poursuite des travaux de développement du missile M51 ;
– Le lancement de la production des premiers lots de la nouvelle version du M51.3 ;
– la mise à niveau des moyens et des infrastructures de la composante océanique avec l’adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Téméraire au missile M51 ;
– La poursuite des travaux d’ingénierie du SNLE 3eme génération ;
– La poursuite d’études relatives à la propulsions nucléaire et des travaux d’adaptation du SNLE ;
– La poursuite de travaux de démantèlement nucléaire ;
– La modernisation des systèmes de transmissions nucléaires concernant principalement les réseaux durcis de longue portée utilisés par les deux composantes ;
– La poursuite des recherches liées aux futurs calculateurs (…).
En tout ce sont 4,455 Mds€ qui sont prévus dans le PLF 2019 pour la dissuasion, ce qui correspond à une hausse de 400 M€ (+10%). Cela représente 22,8% du total des crédits alloués à la défense dans le PLF 2019. Les crédits de paiement des programmes majeurs s’élèvent à 3,6 Md€ (contre 3,2 Md€ en 2018) pour les équipements des forces de dissuasion.
jeudi 6 juin 2019