Faire évoluer la justice des mineurs
Ce jeudi 13 février, les députés ont adopté en séance publique la proposition de loi (PPL) « visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents ».
A l’initiative de mon Président de groupe Gabriel Attal, ce texte – que j’ai cosigné – a pour objectif de renforcer l’efficacité de la réponse pénale face aux enjeux actuels de la délinquance des mineurs, dans le respect des principes fondamentaux de la justice des mineurs.
Le Gouvernement a mis en oeuvre la procédure accélérée, afin qu’il soit plus rapidement débattu par le Parlement.
> A consulter sur le site de l’Assemblée nationale :
Le texte de la proposition de loi dans la version adoptée par l’Assemblée nationale
Une délinquance des mineurs de plus en plus préoccupante
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Dans son analyse de la proposition de loi, mon collègue du Tarn et rapporteur du texte au nom de la Commission des lois Jean Terlier observe une augmentation de la délinquance des mineurs ; des mineurs de plus en plus jeunes et à l’origine d’infractions de plus en plus graves.
A l’appui de ce constat, des chiffres et des faits :
≥ La forte progression du nombre de mineurs inculpés dans les crimes et délits. Inférieur à 90 000 en 1992, il s’élève aujourd’hui entre 190 000 et 200 000. La proportion des mineurs parmi l’ensemble des mis en cause a également augmenté sur cette même période (de 14 % à 20 %).
≥ L’aggravation des infractions commises, avec pour première victime les mineurs. Entre 2002 et 2019, les mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur personne de moins de quinze ans ont bondi de 350 % . Ils sont par ailleurs surreprésentés dans les délits d’atteintes aux personnes.
≥ Un taux de récidive élevé : plus de 50 % des mineurs réitèrent une infraction dans les cinq années suivant leur première condamnation.
≥ Une violence de plus désinhibée. En atteste l’accroissement continu du nombre de mineurs inculpés pour meurtre ou tentative d’homicide, + 136 % entre 2016 et 2023 (ils étaient 255 en 2023 contre 108 en 2016).
=> Ce glissement d’une partie de la jeunesse vers cette violence décomplexée fait malheureusement de plus en plus souvent l’actualité, comme en témoignent la multiplication des rixes ou règlements de comptes entre bandes, les affaires de narcotrafic mais aussi les drames récents. Nous avons également en tête les émeutes de l’été 2023, où près d’un tiers des 4 282 personnes placées en garde à vue avaient moins de 18 ans (sur ce sujet : ma réaction aux émeutes de 2023 ).
Fort heureusement, il ne s’agit que d’une minorité de notre jeunesse. Mais nous ne pouvons ignorer cette montée de violence et le sentiment d’impunité qui très souvent l’accompagne, dont d’ailleurs m’ont fait part dernièrement les représentants de la police du département (sur ce sujet : mon entretien avec le syndicat de police Un1té – 30 janvier 2025). Destruction ou détérioration de biens publics, atteinte aux personnes, agressions physiques ou verbales… De tels agissements n’ont pas leur place dans notre société et il est de notre responsabilité – en tant que législateur – d’y apporter une réponse.
La réforme de 2021 : un premier pas pour une justice pénale des mineurs plus réactive et efficace 
Adoptée en 2021, la réforme du code de la justice pénale des mineurs a permis plusieurs avancées.
Elle améliore la prise en charge des mineurs délinquants, en mettant en place un nouveau régime de mesures éducatives, plus lisible et évolutif dans le temps.
Les délais de jugement ont diminué significativement (ils sont passés de 18 mois à 8 mois).
Cette réforme doit être prolongée et amplifiée, face en particulier aux délinquants multi-récidivistes.
L’objet de la PPL : répondre à la délinquance des mineurs sans compromettre sa nécessaire spécificité
Je déplore que ce texte ait fait l’objet de nombreux raccourcis et caricatures lors des débats. Le rapporteur a d’ailleurs coupé court à toutes ces fausses informations, rappelant le contexte dans lequel s’inscrit cette PPL :
« Demain encore, le code de la justice pénale des mineurs garantira la primauté de l’éducatif sur le répressif. Mais il faut prévoir une procédure plus rapide pour une certaine catégorie de mineurs, âgés de plus de 16 ans et multirécidivistes »
→ La spécificité de la justice des mineurs est bien préservée
La justice pénale des mineurs est garantie par plusieurs principes constitutionnels :
≥ l’ atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge ;
≥ la primauté de l’éducatif sur le répressif ;
≥ la spécialisation des juridictions.
L’éducation demeure ainsi son pilier central. Cependant, face à l’échec des mesures éducatives, il faut octroyer au juge des enfants des outils supplémentaires. Le droit doit obéir à un équilibre entre sanction, éducation et réinsertion.
Ma collègue de la Marne Laure Miller, responsable de la PPL au nom de mon groupe politique, a d’ailleurs très bien résumé dans l’hémicycle la philosophie qui nous anime :
« Rejeter avec force tous les dogmes qu’on tente de nous imposer, celui du tout répressif comme celui de la culture de l’excuse. »
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L’objet de ce texte est ainsi d’apporter une réponse adaptée et graduée face à l’intensification de la violence des délinquants mineurs. Ceci dans le prolongement des acquis de la réforme de 2021 et dans le respect des principes fondamentaux en matière de justice pénale des mineurs. Elle s’articule autour de deux grands volets détaillés ci-dessous.
→ Responsabiliser davantage les parents
Le premier objectif poursuivi par la proposition de loi est de responsabiliser davantage les parents dans leur rôle éducatif. L’article cible non pas les parents de bonne foi qui ont des difficultés avec leurs mineurs – pour lesquels une aide particulière doit être apportée – mais bien les parents défaillants. Ceux qui – délibérément – par leur comportement et leurs manquements aux obligations éducatives contribuent à ce que ces mineurs commettent des actes répréhensibles.
→ Une réponse pénale adaptée aux mineurs délinquants multi-récidivistes
Plusieurs dispositions visent à sanctionner plus rapidement et plus sévèrement les mineurs multi-récidivistes de plus de 16 ans auteurs des infractions les plus graves :
≥ Création d’exceptions à l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.
≥ Procédure exceptionnelle de comparution immédiate à audience unique à l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Ce dispositif permettra de déférer ces mineurs le jour même, afin d’accélérer la procédure pénale.
En parallèle, augmentation des moyens de la justice
Ce texte s’inscrit dans un cadre plus général d’augmentation des moyens dédiés à la justice depuis 2017 (+ 40 % ).
Cette volonté a été confirmée par la récente loi de programmation de la justice , chargée de définir la trajectoire du ministère de la justice sur la période 2023-2027. Cette loi renforce les moyens humains, budgétaires, matériels et organisationnels, avec une hausse continue du budget de la justice (sur ce sujet : augmentation des moyens du tribunal de Brest – communiqué de presse du 29 mars 2024).
Elle prévoit d’ailleurs une augmentation des effectifs dédiés à la justice des mineurs, avec 100 juges des enfants supplémentaires à compter du mois d’avril 2025.
Prochaine étape : examen du texte au Sénat.
– 13 février 2025 –