Promulgation de la loi
La loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux a été promulguée ce 21 juillet 2023 (LOI n° 2023-630 du 20 juillet 2023).
Ajuster le calendrier et l’architecture institutionnelle du cadre juridique posé par la loi Climat et Résilience
La loi a pour objectif de faciliter la mise en ouvre dans les territoires des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN), fixés par la loi « Climat et résilience ».
L’objectif du texte (initié par le Sénat) est de redonner des marges de manœuvre aux territoires grâce à la garantie communale de développement, un droit de préemption élargi, un sursis à statuer spécifique, la prise en compte de la renaturation dès 2021, ou encore la comptabilisation à part des grands projets et la possibilité offerte aux communes littorales d’anticiper le recul du trait de côte dans la recomposition urbaine qu’il induit.
La loi entend concilier la sobriété foncière et le développement des territoires
Un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire. Le nouveau texte apporte de la souplesse à l’application du ZAN dans les territoires. Il ne remet toutefois pas en cause les grands objectifs du ZAN (c’est-à-dire l’objectif de réduction de 50% du rythme l’artificialisation d’ici 2031 et l’atteinte de « zéro artificialisation nette » en 2050), ni son application à l’ensemble du territoire et des politiques publiques.
Que contient le texte voté ?
Chapitre Ier : Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée (articles 1 à 2)
En terme de calendrier, les dates butoirs d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents de planification et d’urbanisme sont reportées de neuf mois pour les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et six mois pour les autres documents – ScoT, PLU(i), cartes communales.
Afin de sécuriser et apaiser le processus de modification des documents d’urbanisme en vue d’y intégrer le « ZAN », le texte ouvre aux autorités compétentes pour l’élaboration des documents d’urbanisme, en cas de difficulté, la possibilité de saisir la commission départementale de conciliation en matière d’urbanisme.
Dans la collectivité de Corse, à compter du 22 août 2027, la loi prévoit d’interdire toute extension de l’urbanisation aux communes ou EPCI qui ne disposent de documents d’urbanisme.
Pour le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui doit également prévoir la trajectoire permettant d’aboutir au ZAN et un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranche de dix ans, il est précisé que « cet objectif est décliné entre les différentes parties du territoire de la Corse ».
Sur la gouvernance, une nouvelle instance régionale de concertation, « la conférence du ZAN« , rassemblera les élus locaux et régionaux compétents en matière d’urbanisme, ainsi que les services de l’Etat, autour de tous les enjeux de lutte contre l’artificialisation. La conférence du « ZAN » pourra ainsi se réunir à l’initiative de la région ou d’un établissement public chargé de l’élaboration d’un SCoT, sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols et pourra également transmettre à l’État des analyses et des propositions portant sur cette mise en œuvre. Elle sera en outre consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur (voir supra) et dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur régionale. Son président ou la majorité de ses membres pourra décider de la réunir à un niveau départemental pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs. La conférence « ZAN » est aussi chargée de transmettre à la région une proposition relative à l’établissement des objectifs régionaux, dans un délai de trois mois à compter du lancement de la révision du Sraddet ou des autres documents de niveau régional ayant pour conséquence de modifier les objectifs chiffrés ou les trajectoires de réduction de l’artificialisation.
Comme la conférence des SCoT, elle sera de surcroît chargée d’établir un bilan de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Les conférences régionales de gouvernance du ZAN transmettront au Parlement, au cours du premier semestre de l’année 2027, un rapport faisant état du niveau de la consommation foncière et des résultats obtenus au regard des objectifs retenus au niveau régional.
Chapitre II : Accompagner les projets structurants de demain (article 3)
Pour ne pas grever les capacités de développement des régions qui accueillent des « grands projets« , leur artificialisation ne leur sera pas imputée. S’agissant des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur, le compromis trouvé permet que la liste en reste définie, après consultations, par l’État (arrêté ministériel), tout en prévoyant un droit de proposition des régions. Dans l’enveloppe de 125 000 hectares dont dispose le pays d’ici 2031, un forfait national de 12 500 hectares est soustrait, dont 10 000 seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet au prorata de leur enveloppe d’artificialisation définie au titre de la période 2021-2031. Au-delà de ce forfait, le surcroît de consommation ne pourra pas être décompté de l’enveloppe des collectivités.
Une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols pourra être saisie, à la demande de la région, en cas de désaccord sur la liste des grands projets. Un décret en déterminera la composition et les modalités de fonctionnement.
Le sujet des projets industriels d’intérêt national est par ailleurs traité dans le projet de loi « Industrie verte ».
La loi explicite que les aménagements, équipements et logements directement liés à ces « grands projets » peuvent voir l’artificialisation ou la consommation d’espaces qu’ils engendrent prises en compte à l’échelle régionale ou intercommunale.
Chapitre III : Mieux prendre en compte les spécificités des territoires (articles 4 à 5)
Une enveloppe minimale d’artificialisation est garantie à chaque commune dans le cadre de la première période décennale 2021-2031 (art.4). Cette garantie rurale de 1 hectare sera applicable à l’ensemble des communes, sans condition de densité, et ce à condition qu’elles soient couvertes « par un plan local d’urbanisme, un document en tenant lieu ou une carte communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026 ». À la demande des maires, les communes disposant de cette surface minimale pourront choisir de les mutualiser, après avis de la conférence des maires (ou à défaut, du bureau de l’EPCI concerné si l’ensemble des maires des communes membres en fait partie).
Un bilan de l’application de la surface minimale sera conduit au sein de la conférence régionale en 2031 au plus tard. A l’issue de la première période décennale, une surface minimale plus réduite pourra être fixée pour les périodes ultérieures, afin de converger vers le zéro artificialisation nette.
L’article 5 concerne les enjeux liés au littoral. Il permet aux communes littorales (figurant sur la liste mentionnée à l’article L.321-15 du code de l’environnement) de considérer comme désartificialisées des surfaces qui ne le seraient pas encore, dès lors qu’elles se situent dans une zone exposée au recul du trait de côte et que ces surfaces ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral. La version finale revient à la proposition initiale du Sénat, qui concerne toutes les communes, avec ou sans projet partenarial d’aménagement (PPA). Au terme de chaque tranche de dix années, les surfaces n’ayant pas fait l’objet d’une renaturation seront de nouveau considérées comme artificialisées.
Le texte complète en outre l’article L.4433-7 du code général des collectivités territoriales en spécifiant que le schéma d’aménagement régional (SAR) tient compte des contraintes propres et des efforts déjà réalisés par les communes littorales ultramarines soumises à un schéma de mise en valeur de la mer (SMVM).
Chapitre IV : Prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’absence de toute artificialisation nette des sols (articles 6 à 9)
Dans l’attente de la modification des documents d’urbanisme, le texte confère aux maires des outils concrets pour leur permettre de ne pas obérer l’atteinte des objectifs de la loi Climat et Résilience. Il en est ainsi de la création d’un sursis à statuer, lorsqu’un projet pourrait mettre en péril l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’horizon 2031 (art.6). La décision doit être motivée au regard de l’ampleur de la consommation foncière résultant du projet ou de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation. Elle ne peut toutefois être opposée à une demande pour laquelle la consommation d’espaces résultant de la réalisation du projet est compensée par la renaturation d’une surface au moins équivalente à l’emprise du projet.
Autre précision : le sursis à statuer ne peut être ni prononcé, ni prolongé après la date de mise en conformité des documents d’urbanisme prévue par l’article 194 de la loi Climat et Résilience.
Par coordination avec la procédure de droit commun, les propriétaires des terrains auxquels a été opposée la décision de sursis à statuer peuvent mettre en demeure la collectivité de procéder à l’acquisition de leurs biens.
Le texte prévoit également un droit de préemption urbain élargi, afin que celui-ci soit permis en cas de renaturation.
La renaturation pour la période décennale en cours n’avait pas été comprise dans la loi Climat et Résilience. Le texte (art.7) permet une intégration de cette possibilité avant 2031, en posant le principe d’une déduction de la consommation des surfaces renaturées, quelle que soit la collectivité porteuse d’un projet de renaturation.
Le texte (art. 8) introduit une clause de revoyure quinquennale sur la mise en œuvre du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols – un rapport remis en application de l’article 207 de la loi Climat et Résilience – pour faire un bilan de l’état de consommation de la garantie rurale et des projets nationaux. Il également prévu de traiter dans ce rapport la question des impacts, d’une part, sur la production de logements, notamment de logements sociaux, et sur la réalisation de projets concourant à la transition écologique ou au développement économique des territoires, et d’autre part sur la biodiversité et la ressource en eau.
Le texte se clôt sur une demande de rapport sur les enjeux du « ZAN » liés à la fiscalité (art. 9).
Certaines dispositions essentielles du texte initial, supprimées au cours de la navette, seront par ailleurs reprises par décrets, par exemple le caractère non prescriptif du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), la prise en compte des efforts passés ou la nomenclature de l’artificialisation.
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