Vote à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la protection des enfants
Ce jeudi 8 juillet 2021, les députés ont adopté, en première lecture, le projet de loi relatif à la protection des enfants. Issu d’une large consultation des acteurs de terrain, il constitue le volet législatif de la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022. Avec ce vote, l’Assemblée nationale construit une nouvelle étape dans la politique publique de protection de l’enfance.
Je salue une réforme majeure pour le quinquennat, qui doit répondre aux défaillances constatées dans l’aide sociale à l’enfance (ASE), garantir l’équité de traitement des enfants protégés sur l’ensemble du territoire et renforcer leur accompagnement vers l’autonomie.
Pourquoi ce projet de loi ?
Depuis la loi de décentralisation de 1983, la protection de l’enfance est une compétence confiée aux conseils départementaux.Cette politique repose toutefois sur un ensemble de mesures judiciaires, éducatives et sanitaires, et fait donc aussi intervenir les services nationaux et territoriaux de l’Etat. Globalement, l’État et les départements ont consacré 8,4 Mds € à la politique d’aide sociale à l’enfance en 2018,dont 7,99 Mds € à la charge des départements, en progression pour les collectivités de 23,7 % par rapport à 2009.
L’importance de la prévention
Les législateurs et gouvernements successifs se sont d’ailleurs attachés à favoriser les synergies entre les différents acteurs, notamment au travers de la loi n° 2007–293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et de la loi n° 2016–297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant. Ces textes ont permis de mettre en évidence l’importance de la prévention, de réaffirmer les droits et les besoins fondamentaux de l’enfant, tout particulièrement en luttant contre les ruptures de parcours, et d’encourager le dialogue entre l’Etat et les départements. Ces deux textes constituent un socle législatif important, connu de tous les acteurs de la protection de l’Enfance.
Des résultats insuffisants dans la lutte contre les violences commises contre les enfants
Toutefois, ils ont produit des résultats insuffisants dans la lutte contre les violences commises contre les enfants, y compris en institution (foyers ASE), et n’ont pas pleinement répondu aux attentes de professionnels engagés, mais dont les capacités d’action sont limitées par des réglementations inadaptées. Un déficit de coordination entre les différents intervenants est par ailleurs observé. Les rapports récents de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de la Cour des comptes sur la protection de l’enfance ont montré qu’un changement de paradigme était aujourd’hui nécessaire afin d’accentuer beaucoup plus fortement l’action publique autour des enjeux de prévention mais également de rénover le pilotage de cette politique, pour renforcer sa cohérence et son efficacité. La Cour des comptes, notamment, estime que son organisation demeure complexe et son pilotage défaillant, ce qui aboutit à un décalage entre sa mise en œuvre et la prise en compte effective des besoins de l’enfant.
Mars 2019 : large concertation avec l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance
Dès le mois de mars 2019, une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance était lancée avec comme objectif d’aboutir à des recommandations relatives à une amélioration concrète et effective du quotidien des enfants de l’ASE. Huit ministères y étaient également partie-prenante, ainsi que les départements, via un lien permanent avec l’Association des Départements de France (ADF).
Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020–2022
A son issue, Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, a présenté en octobre 2019 la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020–2022.
Changer le regard de la société sur les enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance
Cette stratégie vise à transformer la manière de conduire les politiques publiques de protection de l’enfance et à changer le regard de la société sur les enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Elle s’est déployée depuis son élaboration dans les territoires via une contractualisation entre l’Etat et les départements, sur des objectifs partagés et des moyens financiers dédiés de près de 600 millions d’euros sur 3 ans et au travers d’actions nationales d’envergure, répondant entre autres aux enjeux d’insertion professionnelle et sociale et d’autonomie des jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance, telles que :
- l’automatisation des bourses de l’enseignement supérieur à l’échelon le plus élevé,
- l’accès au logement étudiant,
- un accord–cadre avec les missions locales pour un accompagnement personnalisé dès 17 ans,
- un accès automatique à la garantie jeune pour un accompagnement professionnel renforcé
- et une aide financière de 500 euros par mois.
Volet législatif de la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022
Le projet de loi relatif à la protection des enfants constitue donc le volet législatif de la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, initiée par le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet en 2019 et déployée sur le territoire, via une contractualisation entre l’État et les départements.
Fruit de plusieurs mois de concertation avec les représentants des familles et des enfants, des travailleurs sociaux et des départements, cette stratégie a pour objectif d’améliorer le quotidien des enfants, de lutter contre les violences commises contre les enfants, y compris en institution, de lever les réglementations inadaptées qui limitent les capacités d’action des professionnels et de répondre au déficit de coordination entre les différents intervenants.
Le projet de loi se compose de sept titres
Le projet de loi, composé de sept titres, s’inscrit dans ces mêmes objectifs, afin de construire une nouvelle étape dans la politique publique de protection de l’enfance.
- Le titre Ier améliore la situation quotidienne des enfants placés, que ce soit en termes d’accueil ou d’accompagnement :
– Évaluation de manière systématique de la possibilité d’une prise en charge de l’enfant auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers de confiance avant le placement dans un établissement d’aide sociale à l’enfance (ASE) (article 1er).
– Précision et assouplissement des conditions dans lesquelles le juge peut déléguer une partie des attributs de l’autorité parentale au gardien de l’enfant (article 2).
– Encadrement des placements de mineurs à l’hôtel et dans les structures « jeunesse et sport » (article 3).
- Le titre II a pour finalité de mieux protéger les enfants contre les violences :
– Extension du contrôle des antécédents judiciaires des professionnels et bénévoles intervenant auprès des enfants (article 4).
– Formalisation d’une politique de lutte contre la maltraitance par l’ensemble des établissements de l’ASE (article 5).
– Généralisation de l’emploi du référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS) afin d’unifier sur le territoire le traitement des situations de danger pour les enfants (article 6).
- Le titre III renforce les garanties procédurales en matière d’assistance éducative :
– Permettre la collégialité des décisions du juge des enfants en cas de situation particulièrement complexe (article 7).
– Renforcer l’information du juge en cas de changement du lieu de placement de l’enfant (article 8).
- Le titre IV est consacré à l’amélioration des conditions de travail de l’accueillant familial.
Il comprend notamment la garantie pour les assistants familiaux d’une rémunération mensuelle au moins égale, au prorata de la durée de prise en charge, au SMIC, dès le premier enfant accueilli (article 9).
- Le titre V rénove la gouvernance et le cadre d’action de :
– La protection maternelle et infantile (PMI), en inscrivant la stratégie de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile au sein de la politique globale de santé (article 12).
– La protection de l’enfance en substituant aux acteurs historiques un organisme national unique compétent pour appuyer l’action de l’État et les conseils départementaux (article 13).
- Le titre VI porte des mesures permettant une amélioration de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) au travers de :
– La diversification des critères de répartition entre départements des MNA afin de lutter contre l’engorgement de certaines structures (article 14).
– L’obligation du recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) par les départements afin d’éviter les pratiques dévoiement du dispositif de protection de l’enfance (article 15).
- Le titre VII est consacré aux dispositions Outre-mer.