Une proposition de loi visant à « déconjugaliser » le calcul de l’AAH
Dans le cadre de sa journée de « niche » parlementaire, le groupe communiste GDR (Gauche Démocratique et Républicaine) a inscrit une proposition de loi visant à « déconjugaliser » le calcul de l’AAH, c’est-à-dire de ne plus prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul du droit à l’allocation et verser, quels que soit les revenus du ménage, une allocation à taux plein à tous ses bénéficiaires.
Voir aussi : Ma question sur l’allocation adulte handicapé (AAH) du 15 décembre 2020
Qu’est-ce que l’AAH ?
- L’AAH est une aide financière créée en 1975, destinée aux personnes en situation de handicap de plus 20 ans. Elle est attribuée aux personnes atteintes d’un taux d’incapacité permanente de 80 % ou plus. Elle est accordée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
- Elle est versée à 1,2 million de personnes. Financée par l’État, elle est versée par les CAF ou les MSA.
- L’AAH a été créée afin d’assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle repose sur les principes d’équité et de partage des charges entre les membres du foyer. Par ailleurs, elle constitue un minima social, c’est-à-dire, qu’elle vise à garantir un niveau de ressource minimum pour vivre en complément d’autres sources de revenus éventuelles.
- L’AAH représente, à elle seule, 11,1 milliards d’euros de dépenses en 2020 dans le budget global de 51 milliards d’euros consacrés aux politiques publiques de soutien et d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
La hausse de l’AHH, un engagement respecté du Président de la République dès 2017
Conformément à l’engagement du Président de la République, l’AAH a bénéficié depuis 2017 d’une revalorisation sans précédent :
Son montant est aujourd’hui de 903,60 €, soit +11 % par rapport à son montant de début de quinquennat (elle était de 810 euros par mois en avril 2018).
C’est un investissement de 2 Mds € sur le quinquennat, et représente une revalorisation de près de 100€ supplémentaires par mois pour chaque personne concernée.
De plus, l’AAH est désormais attribuée à vie aux bénéficiaires dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, contre 9 à 10 renouvellements au cours d’une vie auparavant.
Que demandent les associations de défense des personnes handicapées ?
En l’état actuel du droit, une personne handicapée qui touche l’AAH voit sa pension diminuée, voire disparaître totalement, si son conjoint dépasse un certain seuil de salaire. Cette disposition est très vivement critiquée par les associations de défense des personnes handicapées qui dénonce une « atteinte à la dignité et à l’autonomie de la personne en situation de handicap » qui devient « dépendante » de son conjoint, voire selon leurs termes, « sous son emprise ». La proposition de loi du groupe communiste examinée ce jeudi devait donc répondre à cette revendication. Elle a déjà fait l’objet d’un vote favorable au Sénat, supprimant ainsi la conjugalisation,
La proposition du groupe LREM : appliquer un abattement fixe de 5 000 euros
La proposition de loi a donc été examinée par l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, ce jeudi 17 juin.
Si elle a bien été adoptée à l’assemblée, elle ne l’a cependant pas été à l’identique du Sénat. En effet, la majorité LREM-MODEM de la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée a rejeté la notion de déconjugalisation. A la place, elle a proposé de mettre en place un abattement fixe de 5000 euros (au lieu des 20 % actuellement appliqués proportionnellement aux revenus), majoré de 1100 euros par enfant. Pourquoi ?
Cela permet de cibler les foyers qui en ont le plus besoin, alors que la déconjugalisation, à l’inverse, favorise les hauts revenus.
C’est concret : ce nouvel abattement entraîne une hausse de 110 euros par mois en moyenne l’AAH de 120 000 couples. Un bénéficiaire inactif dont le conjoint est au SMIC percevra demain son AAH à taux plein : ce qui n’était pas le cas aujourd’hui : 60% des couples dont le bénéficiaire est inactif toucheront désormais l’AAH à taux plein contre 45% aujourd’hui.
Malgré les idées reçues, la déconjugalisation fait aussi des perdants : jusqu’à 44 000 perdants, en particulier parmi les couples dont le bénéficiaire de l’AHH travaille et dont le conjoint a peu de revenus.
Mon vote : Pourquoi je me suis abstenu ?
Présent ce jeudi dans l’hémicycle, Je me suis abstenu et n’est pas voté en faveur de cette proposition de loi pour deux raisons :
- Je ne suis pas favorable à la déconjugalisation car je suis contre le principe de l’universalité dans le versement des aides, minimas sociaux ou autres allocations. C’est un principe auquel je suis très attaché : en effet, l’AAH est une aide qui doit, selon moi, tenir compte des ressources globales du foyer. C’est le principe de notre modèle social : touchent le plus ceux qui en ont le plus besoin. Déconjugaliser, c’était questionner le principe même de notre système de solidarité. Comment expliquer en effet que l’on verse le même montant d’aides à une personne dont le conjoint touche 1 000€, et à un autre qui gagne 5 ou 6 000€ ? C’est vrai d’ailleurs de l’AAH comme pour le projet de revenu universel pour les jeunes pour lequel je suis également en désaccord. Pourquoi verser un même revenu universel à tous les jeunes, quelle que soit leur situation financière ou matérielle et surtout celle de leurs parents ??! L’universalité n’est pas juste.
- Pour autant, je n’ai pas voté CONTRE la proposition de loi des communistes car je trouve néanmoins que le plafond à partir duquel l’AAH commence à diminuer est trop bas. Il démarre à 1 200€ – et même si nous venons de le relever- (il était de 1000€ avant) il me semble que ce montant aurait dû être encore plus élevé (= démarrer à partir de 1500€ nets/mois). C’est la proposition que nous avions, avec plusieurs députés de la majorité, formulée. J’espère que nous y arriverons.
– 21 juin 2021 –
un peu hors sujet : concerne les retraités bénéficiaires de l’AAH différentielle, et en particulier les veuves : exemple dans mon entourage: Mr était matelot , madame titulaire AAH (taux de handicap supérieur à 80%avant 60 ans ) au décès de Mr elle devient titulaire d’une réversion complétée par l’ASPA et un petit complément d’AAH . Elle doit fournir régulièrement ses justificatifs de revenus à la CAF (ce qui entraine des retards de versement). Depuis 2017 l’AAH est versée prioritairement , mais pas pour celles qui étaient veuves avant cette date, n’aurait -il pas été plus simple de traiter toutes les veuves dans cette situation de la même façon , cela n’aurait pas entraîné de surcoût et évité des démarches administratives ? de plus il y a une autre injustice , au décès de la veuve il y aura récupération sur l’héritage de la veuve qui perçoit l’ASPA si elle est propriétaire de sa maison alors que ce ne serait pas le cas si elle était titulaire de l’AAH au lieu de l’ASPA