L’Assemblée nationale avait donc prévu trois semaines pour examiner le projet de loi sur les retraites : une semaine en Commission des Affaires sociales – où je siège – et deux semaines dans l’hémicycle. Cet examen était très attendu. Sur une réforme majeure qui concerne tous les Français et suscite des inquiétudes, il était essentiel que les points de vue se confrontent et que chacun puisse faire valoir ses arguments.
Or, force est de constater que le débat n’a pas eu lieu. A la place d’un échange rationnel et argumenté entre les défenseurs et les opposants de ce projet de loi, l’opposition de la NUPES, emmenée par LFI, a choisi l’obstruction en déposant plus de 20.000 amendements. Pour rappel, lors de l’examen du projet de loi sur les retraites de 2010, ce sont environ 600 amendements seulement qui avaient été déposés…
Non seulement, ces députés ont pratiqué l’obstruction – empêchant que l’on aille au-delà de l’examen du 2ème article d’un texte qui en comportait 20 – mais, en plus, dans la défense de leurs amendements, ils n’ont cessé de remettre en cause la légitimité du gouvernement s’en prenant aux personnes et en attaquant de manière agressive et insultante les ministres et les autres parlementaires. Confondant les débats parlementaires avec un meeting politique de leur formation, leur comportement inadmissible a gravement nui à l’image de notre Assemblée. Il a nui à l’image du débat public, à l’image de la politique et jeté le discrédit sur ses représentants.
Cette attitude qui fait le jeu de tous les populismes a surtout empêché tout débat de fond.
Il faut d’ailleurs pointer une tentation mortifère mais désormais courante dans le débat public, celle de faire le « buzz » à tout prix. C’est aussi et surtout cela que recherche les députés Insoumis en se livrant aux pires excès. Ils jouent pertinemment de leurs outrances, de leurs violences, de leur chahut permanent et les utilisent ensuite sur les réseaux sociaux. Détourner le débat public, monopoliser la parole, voilà leur stratégie, à n’importe quel prix.
A cause de leur tactique d’obstruction et de « bordélisation » des débats, c’est la voix des opposants à la réforme des retraites qui n’a pas pu se faire entendre dans l’hémicycle. Le gouvernement, des députés nombreux, et tous bords, leur ont demandé de retirer leurs dizaines de milliers d’amendements pour éclairer nos échanges et examiner, par exemple, l’article 7 dans lequel figure le report de l’âge légal de 62 à 64 ans. Ils n’ont pas voulu le faire alors qu’ils en avaient la possibilité à chaque instant.
La stratégie de la frange la plus radicale de la NUPES qui a entraîné toute l’opposition dans ce naufrage était de démontrer que le gouvernement ne laissait pas assez de temps aux députés pour étudier ce projet de loi. Ces assertions sont fausses. Le temps prévu pour l’examen de ce texte était de 73h30. Soit, beaucoup plus élevé que lors de l’examen des projets de réformes des retraites précédents, ceux de 2010 et 2014, où les durées d’examen étaient respectivement de 65h et de 45h.
En privant les députés d’un vrai débat sur ce projet de loi, les députés de la NUPES – et au premier chef les députés Insoumis – ont donc privé les Français du débat qu’ils étaient en droit d’attendre de leurs représentants. Ils ont réussi l’exploit de ne faire adopter aucun de leur amendement et de discréditer l’image des opposants à cette réforme, ce qui a – à juste titre – suscité la colère et l’amertume des responsables syndicaux.
Reste la sensation d’un formidable gâchis et le sentiment pénible, à titre personnel, de n’avoir jamais pu échanger sur le fond. Depuis la fin de ces débats, je reçois le témoignage de beaucoup de nos concitoyens qui, opposés à l’actuel projet de loi, ont le sentiment de n’avoir pas été entendus et se disent écœurés par le niveau des interventions dans l’hémicycle. Tout cela nourrit la défiance envers tout engagement politique et fait le jeu des extrêmes.
Désormais le texte va être examiné au Sénat où l’on peut espérer un examen plus serein de ce projet de loi. Il n’en demeure pas moins que sur un tel sujet c’est à l’Assemblée que ce débat sérieux, responsable et constructif aurait dû avoir lieu.
Au lieu de cela, c’est l’indignité et l’irresponsabilité qui ont prévalu.