J’accueille Yann Guillo pour un stage sur l’accès au travail des migrants
Depuis le 1er juillet Monsieur Yann GUILLO, étudiant en science politique et économie à Science Po Paris, a intégré mon équipe parlementaire. J’ai souhaité lui confier une mission d’étude de 4 mois sur la situation des migrants vis-à-vis de l’accès à l’emploi en France et l’éventuelle création d’un statut dédié.
Sa mission :
J’ai été sensible à son parcours aux cotés des migrants et son engagement sur le terrain, puisqu’il a notamment été à leur rencontre à Lampedusa dès 2017, et a pu suivre certains d’entre eux, sur la route, jusqu’à Paris.
A l’écoute des acteurs économiques, sociaux et institutionnels du territoire, j’ai constaté que de nombreuses entreprises disposaient d’emplois non pourvus ou rencontraient des difficultés dans la régularisation de l’accès à l’emploi de salariés étrangers.
J’ai ainsi demandé à Monsieur GUILLO de travailler en particulier sur les besoins, enjeux et attentes des acteurs publics et privés impliqués dans l’accueil, l’orientation, l’accompagnement mais également l’emploi des migrants. Quel meilleur moyen pour s’intégrer que de rejoindre l’équipe d’une entreprise ! Ainsi, il doit mener un certain nombre d’entretiens qui m’apparaissent indispensables à la compréhension et à la réalité du sujet puis, à partir d’un travail de recherche législatif et réglementaire, rédiger un rapport sur le statut de migrant, les possibles leviers d’évolution ou encore de création d’un cadre leur permettant d’accéder au travail en toute légalité.
Son parcours :
Je laisse Yann GUILLO s’exprimer sur le contexte de son stage, son parcours et son engagement.
« Le député Didier LE GAC, interpellé sur la condition des migrants dans le Finistère, et déjà sensibilisé au sujet, souhaite travailler à la recherche de solutions pour autonomiser, par l’emploi, les personnes en situation irrégulière tout en répondant aux besoins en main d’œuvre non pourvus des entreprises. Une mesure à l’image de sa volonté de dynamiser l’économie du Finistère et de servir l’intérêt général en soutenant les droits des migrants pour une meilleure intégration. Ce projet de stage et de rédaction d’un rapport sur la mise en place d’un « accord provisoire de travail » démarre alors avec le souhait de traiter d’une thématique essentielle dans le débat public : l’intégration par l’emploi.
Cette thématique rejoint mon parcours personnel, ainsi, depuis plus de 4 ans, je me suis penché sur la question migratoire en analysant sur le terrain l’ensemble du cycle d’intégration des personnes déplacées.
Tout d’abord, je me suis concentré sur l’arrivée des migrants en Europe. En juin 2017, interpelé par l’actualité brûlante, j’ai pris la route en solitaire avec, pour seul bagage, un gros sac à dos et de bonnes chaussures. Ce périple de trois semaines avait pour but de retracer le chemin emprunté par les migrants depuis l’île de Lampedusa jusqu’à Paris. Sur cette route, j’ai recueilli les témoignages de jeunes de mon âge, confirmant les parcours chaotiques empruntés et les atrocités subies. J’ai par exemple interviewé Pietro Bartolo, un médecin surnommé « l’ange de Lampedusa » qui, le premier, s’est engagé auprès des migrants. Il m’a raconté sa vision de la crise migratoire et de nombreuses anecdotes comme celle de ce bébé né sur une embarcation de migrants, qu’il a réussi à sauver en lui nouant le cordon ombilical grâce à son lacet de chaussure. C’est un homme qui se voit chaque jour confirmé, par la gratitude des migrants, qu’il est au bon endroit et qu’il mène le bon combat.
Pendant mon périple en Italie, j’ai quotidiennement écrit des articles sur ma page Facebook « Sur la Route des Migrants ». Les « interviews », aussi bien des migrants, des associations caritatives que des mouvements d’extrême droite comme Casapound Italia m’ont permis de confronter les points de vue et de me faire mon opinion. Cette crise migratoire fait l’objet de nombreux fantasmes : « invasion », « menace » oubliant les êtres humains qui se cachent derrière le mot « migrant ». Cette « crise » ne devrait pas, selon moi, être vécue comme telle. L’objectif étant également de transmettre mon expérience et de diffuser mes idées, j’ai effectué plusieurs conférences dans les lycées de mon département, participé à un forum sur la migration et exposé mes photos dans la Maison Pour Tous de Landerneau. J’ai été frappé par l’enthousiasme et l’intérêt des lycéens qui contraste avec la morosité des articles de presse qui présentent souvent le migrant comme un envahisseur.
Cette première expérience m’a encouragé à m’investir sur le camp de migrants de Vintimille en tant que bénévole de la Croix Rouge afin de constater les conditions de transit des migrants. Je passais 4 à 8 heures par semaine sur le camp italien afin de donner des cours de langue, de participer à la vie du camp (cantine, distributions et gestion) et d’animer des activités ludiques. Enfin, j’ai rédigé de nombreux curriculum vitae pour les migrants afin de faciliter leur insertion dans le monde du travail. Ces deux années au camp ont été marquées par les aller-retours des migrants entre Menton et Vintimille. J’ai le souvenir d’hommes, des femmes et des enfants, rentrant couvert de poussière, parfois blessés, après avoir tenté une traversée de nuit dans les montagnes franco-italiennes. Ce sont aussi de nombreuses rencontres tant au niveau de l’équipe de la Croix Rouge que des migrants venant d’Afghanistan, d’Albanie, du Soudan, de tous milieux, aussi bien ingénieur que fermier. Malheureusement, le camp a dû arrêter son activité sous la pression de la préfecture italienne. Dorénavant, ce sont sous les ponts de Vintimille que les migrants dorment.
Afin de compléter cette réflexion, j’ai effectué un stage d’un mois en Juin 2019 au sein de l’association SINGA à Paris pour m’informer sur les outils d’intégration des personnes déplacées. SINGA se donne pour mission de créer du lien entre les personnes nouvellement arrivées et les membres de la société d’accueil à l’aide de dispositifs ouverts à tous. Mes actions au sein de l’association étaient multiples. Effectivement, j’ai pu participer à la conception de projets futurs en parallèle d’une expérience de terrain. Concrètement, j’ai tenu la permanence d’accueil des nouveaux arrivants, aidé à l’organisation d’évènements (exposition de l’iranienne Rezvan Zahedi sur les violences faites aux femmes), valorisé la Communauté sur les réseaux sociaux et donné des cours de langue. Cette approche a totalement modifié ma vision de la prise en charge des migrants. En effet, je n’avais observé jusque-là que le côté misérabiliste de la « crise migratoire ». SINGA a une approche singulière, une communication enthousiaste et des actions constructives. Le réfugié, le migrant et l’autochtone deviennent membres d’une communauté et quittent leur statut et l’image qui y est associée.
De même, mon projet professionnel s’oriente vers le Moyen-Orient. Passionné par la question migratoire, j’ai développé un lien particulier avec la région MENA et la langue arabe afin de comprendre les enjeux géopolitiques de cette zone géographique. Ainsi, après deux années sur le campus Méditerranéen de Menton, j’ai fait le choix de l’immersion en rejoignant l’Égypte. Ma 3ème année d’étude (2020-2021) s’est donc passée au Caire où j’ai suivi des cours de langue arabe en rejoignant le Département d’Enseignement de l’Arabe Contemporain (DEAC). L’apport théorique des cours de civilisation musulmane à Sciences Po, est complété par une expérience de terrain et linguistique au Caire.
L’ensemble de ces expériences et questionnements m’ont conduit à rejoindre l’équipe de Monsieur Le Gac. En effet, la confiance et l’autonomie qui me sont accordées sur ce projet me permettront à la fois d’utiliser mes connaissances en matière d’immigration mais aussi de découvrir la gestion d’une permanence parlementaire.
Ce rapport a donc pour objectif d’évaluer la viabilité d’un « contrat provisoire de travail » pour les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asiles. Actuellement dépourvu de droits au travail, 300.000 à 400.000 migrants en France se trouvent aujourd’hui en situation précaire avec des emplois non déclarés et un accès au logement limité. Cette précarité se traduit par des comportements déviants et une exclusion de la société française. Après un inventaire des différents statuts et cadres juridiques applicable en France à la situation des migrants et demandeurs d’asile, il s’agira alors de s’inspirer notamment du « Duldung » allemand et d’appliquer un système de tolérance redonnant aux migrants des perspectives et une dignité.
Avec un taux actuel de 12% d’exécution des obligations de quitter le territoire, la France apparait en difficulté pour réguler l’immigration non voulue malgré une politique de plus en plus régulatrice. Une mesure donnant aux migrants irréguliers la possibilité d’accéder à l’emploi permettrait alors de connaître leur identité et de faciliter leur renvoi si celui-ci est nécessaire. Cette mesure devrait également favoriser les voies légales d’immigration en réévaluant les dossiers des migrants bénéficiant d’un « contrat provisoire de travail ».
Afin d’être en phase avec la réalité des associations, des entreprises, de l’administration et des migrants, je vais aller à leur rencontre et reporter fidèlement leurs témoignages. Il s’agira alors de confronter la réalité de ces acteurs avec le cadre juridique.
Sous la tutelle de Monsieur RABUTEAU, collaborateur parlementaire et juriste, ce rapport sera le fruit de 4 mois de travail et permettra, je l’espère, de susciter le débat sur la nécessité d’un cadre juridique pour l’emploi des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asiles ».