Arrêté municipal de Langouët : La réaction de Didier Le Gac (tribune du 30 août 2019)
Face à l’affolement médiatique suscité par l’arrêté municipal du maire de Langouët, je regrette une fois de plus l’emballement et l’absence de recul avec lesquels est traitée la question des pesticides dans notre pays.
En effet, ce sujet ne peut pas être abordé que dans l’émotion et l’immédiateté imposées par les réseaux sociaux.
OUI, il faut réduire le recours aux produits phytosanitaires d’origine chimique et y substituer, quand c’est possible, des solutions durables. La méthode employée ici ne me semble cependant pas être la bonne pour y parvenir.
D’abord, parce qu’elle a été prise de manière unilatérale et sans y associer les agriculteurs de la commune. Ensuite, parce que le recours à un arrêté municipal qui interdit les pesticides dans un rayon de 150 mètres autour des habitations d’une seule commune n’est ni aujourd’hui ni techniquement possible, ni juridiquement acceptable.
Car, dans ces conditions, pourquoi pas 100 mètres ici, 150 mètres là, ou même 300 mètres ailleurs ? On voit bien que le principe du « y a qu’à faut qu’on chacun dans sa commune » trouvera vite ses limites.
De plus, qu’a-t-on proposé aux agriculteurs qui verraient dès lors leurs terres cultivables amputées de de 10, 20, voire 30 % de leurs terres cultivables, donc de leur outil de travail, et accessoirement de leurs revenus (déjà pas très élevés) ?
Néanmoins, je comprends que les Français, et encore plus les voisins de parcelles agricoles, puissent sincèrement et légitimement, se poser la question de l’impact sanitaire de ces traitements.
A ceux-là, je voudrais dire que bien avant cet arrêté municipal dont on parle tant aujourd’hui, un travail collectif a déjà été engagé pour de meilleures pratiques agricoles.
C’est le sens du plan d’action global du 25 avril 2018 « pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires »[1], avec un objectif de réduction de moins 25 % en 2020 et moins 50 % en 2025, et la décision du gouvernement de mettre fin aux principaux usages du glyphosate d’ici décembre 2020. La feuille de route est ambitieuse et réussir sa mise en œuvre constituera déjà un grand pas de franchi.
Par ailleurs, qui sait qu’une Charte est déjà appliquée en Bretagne en la matière ?
Elle date du 29 juin 2018 : C’est la Charte régionale pour « l’engagement et les bonnes pratiques de l’usage des produits phytosanitaires pour la protection des lieux accueillant des personnes vulnérables ». Elle a été signée par l’Etat et les représentants du monde agricole breton.
Des accords et des textes réglementaires sont donc déjà en vigueur. Ils sont le fruit de discussions et de négociations collectives.
S’il faut les modifier encore, pourquoi pas ? Mais faisons-le ensemble, avec raison, respect et écoute mutuelle.
Et, au bout du compte, si, et seulement si un accord collectif n’est pas possible, l’Etat devra alors trancher mais laissons d’abord toutes les parties prenantes faire des propositions et être capables de prévoir des déclinaisons dans les régions, car ce qui se fait dans le vignoble bordelais ne doit pas nécessairement s’appliquer dans le bocage normand ou breton.
J’entends l’impatience des uns, mais acceptons tous ensemble l’idée que la transition agroécologique (c’est-à-dire le passage d’un modèle à un autre) ne se fasse pas du jour au lendemain.
Les agriculteurs, et notamment les plus jeunes, ont déjà mis en pratique de nouveaux comportements, avec l’aide de la science, et enclenché depuis longtemps la réduction des intrants.
C’est la raison pour laquelle, n’en déplaise à ses détracteurs, notre modèle agricole et alimentaire est l’un de plus durables au monde, comme vient de le rappeler d’ailleurs, pour la troisième année consécutive, The Economist[2].
Que voulons-nous demain dans nos territoires ?
Pour ma part, je suis convaincu que nous avons besoin plus que jamais d’une agriculture forte, et d’agriculteurs reconnus, pour garantir l’autonomie et la sécurité alimentaires de notre pays, mais aussi pour relever avec eux le défi climatique.
[1] Présentation le 25 avril 2018 du Plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides (https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.04.25_cp_plan_ations_phyto.pdf).
[2] Chaque année, le magazine britannique « The Economist » publie l’indice de durabilité des modèles agricoles et alimentaires dans le monde. Pour la 3e année consécutive, la France est première au palmarès (https://agriculture.gouv.fr/lagriculture-francaise-primee-modele-le-plus-durable-du-monde).
Voir aussi :
Brest – Didier Le Gac. « Utilisation des pesticides : revenons à la raison ! » © Le Télégramme
Bonsoir,
j’approuve tout à fait les propos de Mr Le Gac, en particulier à propos de la distance aléatoire, suivant des critères aussi aléatoires, entre les terres cultivées et traitées et les habitations. Justement, des habitations et des terres agricoles en question, lesquelles sont devenues à être aujourd’hui les voisines des autres ? Ceci peut amener à parler de PLU, Permis de construire etc …
Merci.
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
Mr le Député en a bien pris note et vous en remercie.
Cordialement,
L’équipe parlementaire