Soutenir la compétitivité de notre agriculture
Dans le cadre des échanges que j’ai pu nouer sur le coût du travail dans le secteur agricole, j’ai posé une Question écrite au Ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur le devenir du dispositif d’exonération pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles (TO-DE). Cette Question posée en août 2018 a reçu une réponse.
Voir ma question N°15-11824QE
Texte de la question
« Didier Le Gac attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur les conséquences de la prochaine suppression du CICE (au 1er janvier 2019) sur le devenir du dispositif d’exonération pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles (TO-DE).
Pour les agriculteurs, la disparition du « TO- DE » impacterait financièrement les agriculteurs à hauteur de 144 – 178 millions d’euros par an, appliquée à la masse salariale saisonnière de 2016. La perte financière pour un salaire à 1,10 (SMIC + ICCP) serait de 189 euros par contrat saisonnier chaque mois. Sur cette base, la perte globale enregistrée pour les agriculteurs de la région Bretagne, qui enregistrent 53 000 contrats TO-DE en 2016, se chiffrerait à plus de 10 millions d’euros par an. L’allègement général de charges envisagé par la suppression du CICE ne compenserait alors pas la suppression annoncée de cette exonération.
Employant 14 % des actifs français, les secteurs fortement employeurs de main d’œuvre occasionnelle (maraîchage, horticulture, production de semences, arboriculture, viticulture) seraient directement pénalisés avec un résultat néfaste sur le niveau de compétitivité.
Il rappelle que la France doit actuellement faire face à une concurrence féroce des pays voisins. Dans ces conditions, et eu égard aux conséquences sur l’emploi dans les territoires ruraux, il lui demande si le Gouvernement envisage de compenser durablement cette perte qui menace la délocalisation de nos productions agricoles. »
La réponse du Ministre
« Afin de renforcer la compétitivité des entreprises, et conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a acté la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en un allègement pérenne de charges et renforcé la réduction générale des cotisations sociales avec une exonération maximale au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC).
La suppression du dispositif d’exonérations de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE) à compter du 1er janvier 2019, se justifiait donc au vu de ces améliorations apportées aux allègements généraux qui bénéficient aux bas salaires. Dans ces conditions, le régime des allègements généraux renforcés a gagné en attractivité et les dispositifs spécifiques, dont le TO-DE, devenaient moins justifiés. La suppression de ce dispositif et le renforcement des allègements généraux se seraient traduit en 2019 par un gain net de 60 M€ en année pleine pour la « Ferme France », à comportement inchangé des entreprises.
Cet impact global recouvrait des réalités différentes suivant les secteurs : il représentait un gain net de 130 M€ pour la coopération et la transformation affiliée au régime agricole (qui comprend par exemple les ateliers de transformation à la ferme) et une perte nette de 70 M€ pour le secteur de la production, principalement dans les cultures spécialisées (arboriculture, maraîchage) et la viticulture. Le report des allègements généraux renforcés au 1er octobre 2019 est venu modifier l’équilibre de cette réforme pour l’année 2019.
Aussi, le Gouvernement a proposé d’appliquer dès le 1er janvier les allègements généraux renforcés pour l’ensemble de la production agricole alors que ceux-ci ne bénéficieront aux autres secteurs qu’à partir du 1er octobre. Il s’agit d’un signal favorable à l’emploi et à l’équilibre des exploitations agricoles.
Néanmoins, le Gouvernement a pleinement conscience de la difficulté que poserait une suppression brutale du dispositif TO-DE pour certaines exploitations fortement employeuses de main d’œuvre, notamment dans la viticulture, en arboriculture et en maraîchage. Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont été sensibles aux différentes alertes sur l’avenir de ces exploitations.
Dans le cadre de la discussion parlementaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement a ainsi proposé en première lecture à l’assemblée nationale, la mise en place pour ces employeurs, d’un dispositif d’atténuation des effets sectoriels de la suppression du dispositif TO-DE, au titre des années 2019 et 2020 avec une exonération totale sur un plateau allant jusqu’à 1,10 SMIC avec un point de sortie à 1,6 SMIC.
Il s’agit une réponse favorable pour pallier cet impact négatif qui pourrait jouer sur la compétitivité de certaines exploitations agricoles. Au cours de la discussion, ce dispositif a été amélioré par la majorité parlementaire qui a souhaité aller plus loin dans l’objectif de compensation pour les employeurs de main d’œuvre saisonnière en proposant la mise en place d’un plateau allant jusqu’à 1,15 SMIC en lieu et place d’un plateau allant jusqu’à 1,10 SMIC au titre de l’année 2019.
Le Gouvernement a été tout à fait favorable à cette proposition, qui a été adoptée, afin de permettre une sortie plus progressive du dispositif.
Cela se traduit par une atténuation, en 2019, encore plus forte que ce que le Gouvernement avait prévu :
- Une perte réduite à 40 M€ pour les employeurs de main d’œuvre saisonnière (contre 145 M€ pour la suppression du TO-DE) ; soit un effort de 105 M€ en faveur du secteur agricole ; au final ce sera un gain de 34 M€ pour l’ensemble des exploitants agricoles employeurs de main d’œuvre en tenant compte du renforcement des allègements généraux au 1er janvier 2019.
- Les pertes moyennes pour les exploitations qui resteraient malgré tout perdantes vont être divisées par 4.
- En outre, en cultures spécialisés, plus de 80 % des contrats TO-DE sont à des salaires inférieurs à 1,15 SMIC ; en viticulture, ce sont près de 65 % de contrats TO-DE. Cela permettra à ces employeurs de s’adapter économiquement pendant deux années, dans l’optique d’une harmonisation complète, à compter de 2021, avec le régime des allègements généraux, et ce en accompagnant un plus grand nombre d’entreprises agricoles, qui seront concernés par une exonération totale des cotisations patronales, dans cet objectif d’adaptation. Cette période transitoire permettra en outre, aux réformes structurelles favorables aux entreprises agricoles, de produire leurs effets.
- Par ailleurs, il faut souligner que les entreprises au régime fiscal du micro-bénéfices agricoles, vont bénéficier dès 2019 de la transformation du CICE en 6 points de baisse de charges salariales alors qu’elles n’étaient pas éligibles au CICE : sur les 13 000 entreprises soumises à ce régime et employeuses de main d’œuvre, 8 000 exercent dans le secteur de la viticulture, du maraîchage et de l’arboriculture. En outre, il est particulièrement important de regarder l’environnement global s’appliquant aux exploitations agricoles : la réforme du CICE ne doit pas être lue de manière indépendante des autres réformes entreprises par le Gouvernement.
Améliorer la fiscalité agricole
Le Gouvernement a ainsi engagé, en lien avec les parlementaires et les acteurs économiques, un travail approfondi pour améliorer la fiscalité agricole, dont la réforme est portée dans le projet de loi de finances pour 2019. L’objectif est de donner aux agriculteurs les outils leur permettant d’améliorer la résilience face aux aléas et la compétitivité de leurs entreprises.
Parmi ces outils, la mise en place d’une épargne de précaution, particulièrement souple d’utilisation, devrait être largement utilisée par les filières connaissant des fluctuations importantes de revenus d’une année sur l’autre, parmi lesquelles la viticulture et les cultures spécialisées.
Les gains induits par la mesure sur l’épargne de précaution et les autres mesures fiscales envisagées, dès lors qu’elles seront mobilisées par les entreprises, pourront couvrir, et au-delà, les pertes nettes issues de la suppression du TO-DE.
Que les agriculteurs ne soient pas concernés par l’augmentation des taxes
Enfin, dans le cadre de la réforme de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le gazole non routier, le Gouvernement a souhaité, d’une part, que les agriculteurs ne soient pas concernés par l’augmentation des taxes et, d’autre part, que les modalités de remboursement évoluent afin d’améliorer la trésorerie des agriculteurs pour qu’à terme ils n’attendent pas l’année suivante pour être remboursés de la part de la taxe acquittée.
Améliorer la compétitivité des entreprises
Pour améliorer la compétitivité des entreprises, en tenant compte de la diversité de l’agriculture française et des différences entre les États membres de l’Union européenne, l’enjeu est de combiner efficacement :
- la baisse transversale des charges et le renforcement des allègements généraux, qui soutiennent la compétitivité prix ;
- les outils fiscaux qui permettent aux entreprises de gérer la volatilité des prix ;
- les soutiens à la valorisation des productions (augmentation de la valeur ajoutée et montée en gamme), prévus dans le cadre des suites des états généraux de l’alimentation et du grand plan d’investissement. »