L’éclairage de Philippe Perrot, vice-président du Comité des pêches du Finistère et du Parc Marin Naturel d’Iroise
Titulaire d’une formation en océanographie et en lutte contre la pollution marine, Philippe Perrot est aujourd’hui pêcheur de poissons de ligne et de coquilles Saint-Jacques. Il occupe en parallèle d’importantes responsabilités au sein du comité des pêches du Finistère ainsi que du Parc Marin Naturel d’Iroise.
Fin connaisseur de notre écosystème maritime (il navigue depuis 1987 !), Philippe Perrot nous livre son éclairage sur les défis auxquels fait face la filière halieutique.
Pouvez-vous nous présenter dans les grandes lignes les enjeux que la filière pêche doit relever ?
Les défis sont nombreux ! Ils sont tout d’abord d’ordre socio-économique avec deux fortes préoccupations :
→ Comment allons-nous renouveler notre flotte de pêche ? C’est essentiel pour être plus économe en carburant et améliorer les conditions de travail des pêcheurs. Or nous sommes bloqués par la règlementation européenne.
→ Comment attirer des jeunes dans nos métiers ? Le renouvellement générationnel est impératif alors que 50 % des marins vont prochainement partir à la retraite.
Autre enjeu majeur, le changement climatique. Les pêcheurs sont les premiers observateurs et victimes de ce bouleversement.
Le 3ème défi est 2026, avec la renégociation du Brexit et la récupération par les britanniques des zones de pêche. Sous couvert d’écologie, nous craignons la mise en place d’un protectionnisme déguisé.
Dernier enjeu que j’identifie, la planification maritime et comment notre activité s’intègre à celle-ci. Je pense en particulier à la question des éoliennes en mer.
L’un des dossiers majeurs porte sur la souveraineté alimentaire, alors que 75 % des produits de la mer que nous consommons sont importés. Comment peut-on selon vous renforcer la consommation de produits locaux ?
Il faut savoir qu’un français mange chaque année en moyenne 33,5 kg de produits alimentaires issus de la mer .Mais on a tendance à privilégier des poissons qui ne sont pas locaux. Il faut donc changer les habitudes alimentaires et éduquer, ceci dès le plus jeune âge. Les initiatives lancées par le Conseil régional de Bretagne avec Breizhmer dans les lycées vont dans le bon sens !
Au-delà des établissements scolaires, il faut toucher toute la restauration collective : les hôpitaux, les entreprises, les EHPAD, etc. Cela impose de revoir le cahier des charges, aujourd’hui inadapté, pour que les acteurs locaux puissent y répondre.
Dans la presse, nous voyons une opposition de plus en plus clivante entre les professionnels de la pêche et les ONG. Comment l’expliquez-vous et comment les relations peuvent-elles selon vous s’apaiser ?
Je déplore les postures de certaines ONG qui, dans leur lobbying, jouent clairement sur la fibre émotionnelle et dénigrent systématiquement notre travail. Un marin navigue environ 200 jours par an, il a également une expertise à faire valoir !
Or ces structures sont en train de gagner la bataille de l’image, leur parole est présentée comme une vérité par les médias. L’une des explications est l’absence de culture maritime de nos concitoyens, alors même que la France a le 2ème espace maritime mondiale. Nous avons également notre part de responsabilité : nous devons mieux communiquer auprès du grand public sur notre secteur.
Leur fonds de commerce est d’opposer l’activité économique à l’écologie. A l’inverse, nous pensons qu’il faut allier les deux. A l’image du Parc Marin Naturel d’Iroise, où au quotidien les différents acteurs (collectivités, associations, scientifiques, professionnels) travaillent de concert pour concilier les activités humaines avec la biodiversité. Et ça marche bien ! Certes, on n’est pas toujours d’accord mais il y règne un dialogue respectueux qui nous permet, ensemble, d’avancer.
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