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Trois questions à… Anne Apprioual

Elections locales et réforme des modes de scrutin

Comme j’en ai l’habitude, j’interroge un acteur local sur un sujet d’actualité pour recueillir son témoignage et son expertise. En ce mois d’avril, et alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter la proposition de loi visant à étendre le scrutin de liste paritaire aux élections municipales aux communes de moins de 1000 habitants, j’ai décidé de me tourner vers Anne Apprioual, maire de Lampaul-Ploudalmézeau (815 habitants) et vice-Présidente du Pays d’Iroise Communauté, en charge du tourisme et du nautisme. Merci à Anne Apprioual de s’être prêtée à ce « questions-réponses » !

 

Un texte qui s’appliquera dès les prochaines élections municipales de 2026

Pour rappel, cette proposition de loi vise à mettre fin à l’exception qui touche jusqu’à présent les communes de moins de 1 000 habitants, où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec possibilité de panachage. Il étend ainsi le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants (Elections locales : la fin du « tir aux pigeons » !).

 

Dossier législatif de la proposition de loi visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal.

 

 

Ce texte, en étendant le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1000 habitants, rend la parité obligatoire pour les plus petites communes. N’est-il pas dommage, selon vous, que l’on soit obligé de passer par la loi pour imposer la parité ?

 

Anne Apprioual : Oui, sans doute, mais c’est une belle loi qui, au-delà du principe de parité, reconnaît l’intelligente complémentarité des hommes et des femmes dans la gestion des affaires municipales. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la société française, elles ne revendiquent pas plus de place pour autant. Elles en veulent juste autant. Ce qui me surprend, c’est que le débat à l’Assemblée ait été aussi ardu et que le scrutin soit aussi serré : 181 contre, 206 pour. Cette majorité salvatrice prépare l’avenir.

Cette loi a tout son sens car elle va aider les équipes municipales à se constituer de manière équilibrée, lorsque ce n’est pas encore le cas. Cependant, pour un observateur attentif, certaines équipes municipales sont en avance sur la loi car les femmes sont déjà très présentes et investies dans les conseils.

 

La parité est désormais une réalité dans toutes les communes de France. Quel serait votre message à toutes les femmes pour qu’elles prennent leur place dans la vie politique locale ?

 

AA : Le droit de vote a été accordé aux femmes à la fin de la seconde guerre mondiale. Elles devenaient électrices et éligibles, comme les hommes. Elles ont dû « mériter » ce droit en apportant la preuve de leur engagement tout au long du conflit. Le 29 avril 1945, elles votaient pour la première fois, aux élections municipales justement. Nous fêtons le 80ème anniversaire. C’était un grand tournant de l’histoire mais Françoise Giroud rappelait que certaines femmes se sentaient désemparées devant ce nouveau droit. La citoyenneté des femmes est donc le fruit d’un long combat et nous pouvons en être fiers !

Aujourd’hui, les femmes ont acquis leur indépendance matérielle et leur autonomie intellectuelle. Il reste une étape importante, l’évolution du statut de l’élu local, que cet élu-e soit un homme ou une femme.
S’engager dans la vie publique, c’est passionnant ! Il n’en demeure pas moins vrai que c’est une décision qui concerne toute la famille. Il faut donc soutenir cet engagement par des mesures d’accompagnement, y compris financières, comme dans d’autres pays européens.

Aux femmes en particulier, je dis qu’être élue, c’est faire un pari gagnant sur l’avenir. C’est avoir une vision du bien-vivre ensemble et se donner les moyens d’avancer vers cet objectif. C’est partager de belles ambitions en équipe et porter à leur réalisation des projets structurants pour sa commune et tous les habitants. Je leur dis de ne pas avoir peur, que l’on apprend ensemble, qu’il y aura les ressources et les compétences dans l’équipe pour faire avancer tous les projets. Et je leur dis que c’est une expérience exceptionnelle !

 

Avec ce texte, le système de « panachage » qui permettait aux citoyens de rayer certains noms, pratique parfois surnommée « tir aux pigeons », n’est désormais plus possible. En quoi cela posait-il problème selon vous ?

 

AA : Depuis 2013, seules les communes de moins de 1 000 habitants fonctionnent au scrutin plurinominal. Auparavant, le seuil était à 3 500 habitants. Aujourd’hui, la loi harmonise le mode de scrutin et met fin à cette disparité. Cette loi traduit la juste appréciation de la capacité des citoyens à se déterminer autour d’un projet communal, quelle que soit la taille de la commune, dans une dynamique collective.
L’équipe qui décide de se présenter élabore sa profession de foi, prend des engagements représentatifs de la vitalité démocratique qu’elle souhaite incarner.

L’individualisme n’a pas sa place dans cette démarche. Alors, quand arrive le jour des votes, le scrutin plurinominal ébranle car il n’est pas cohérent avec cette force du groupe. Pour cette raison, il fallait moderniser le scrutin. Et puis le fameux « Tir aux pigeons » est parfois trop injuste, il ne reconnait pas le travail réalisé. Il peut même pénaliser ceux qui sont les plus engagés. J’ai vu des déceptions, j’ai vu des larmes.

Les associations des maires du Finistère et des maires ruraux, riches de leur expérience, défendaient cette mesure du scrutin de liste, preuve de sa légitimité. C’est une avancée déterminante et humaine !

 

Voir aussi :

Trois questions à… Jean-Hervé Caugant

Trois questions à… Philippe Perrot

 

Sur le même sujet :

« Le tir aux pigeons, c’est fini ! » © Le Télégramme

 

– 25 avril 2025 –

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