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EDITO Mai 2023 / Fabriquer la loi

Mardi 28 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi que j’avais déposé visant à lutter « contre le dumping social sur les liaisons maritimes transmanche ». Cette loi est le fruit d’une démarche menée en amont depuis plusieurs mois.

A l’origine, il y eut d’abord, le 5 novembre 2022, « l’appel de Saint-Malo » des armateurs français – lancé par Jean-Marc Roué – face à la concurrence déloyale pratiquée par les compagnies britanniques et irlandaises, notamment Irish Ferries et P&O. Cette dernière, il y a un peu plus d’un an, en mars 2022, profitant du Brexit, avait licencié du jour au lendemain ses équipages (plus de 800 marins !) pour les remplacer par des marins provenant de pays extra-européens embauchés dans des conditions ne respectant aucune de nos règles sociales.

De telles méthodes engendrent une concurrence déloyale à l’égard de nos armateurs, à commencer par la Brittany Ferries, compagnie fondée il y a 50 ans par nos agriculteurs bretons et 1er employeur de marins français.
Surtout, ces méthodes remettent en cause le modèle social qui prévaut pour nos équipages. En outre, ce modèle low-cost peut avoir des conséquences désastreuses sur la sécurité de la navigation et des passagers dans la Manche, passage maritime parmi les plus fréquentés au monde.

C’est pourquoi, il fallait agir vite. C’est dans cet état d’esprit que le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, lors des Assises nationales de la Mer de Lille, le 8 novembre, a affirmé alors : « J’entends répondre à l’appel de Saint-Malo. Je n’accepterai jamais de voir de telles pratiques se développer. »

C’est à ce moment, et en plein accord avec le gouvernement, que j’ai fait part à mon groupe parlementaire de mon souhait d’initier une démarche législative avec une proposition de loi qui puisse être applicable rapidement. J’ai donc déposé ce texte de loi avec, à l’esprit, le souhait de réunir autour de moi le plus grand nombre de parlementaires.

En amont, désigné rapporteur du texte pour la Commission des Affaires sociales, j’ai procédé avec des élus de tous bords aux auditions des principales parties concernées : organisations syndicales, armateurs français, armateurs concurrents étrangers (y compris P&O et Irish Ferries…), juristes, régions du littoral de la des bords de Manche. Au fur et à mesure des auditions, les différences se sont vite estompées entre parlementaires, tous désireux d’agir vite et efficacement. Ainsi, avec l’apport des uns et des autres, ces auditions ont permis de « muscler » le texte et aussi de nous inviter à être plus ambitieux. Nous avons aussi échnagé avec nos homologues anglais afin qu’un texte équivalent soit également adopté de l’autre côté de la Manche (le « Seafarers’ Wages Act »).

L’examen en Commission, le 22 mars, a permis d’introduire, outre le salaire minimum, l’exigence très importante de parité entre le temps de travail et le temps de repos des marins, autrement dit une durée de repos à terre équivalente à leur durée d’embarquement. Il a également été demandé de renforcer les contrôles des navires touchant nos ports, et donc de demander au gouvernement d’être vigilant sur le nombre de fonctionnaires chargés de ces contrôles. C’est le sens et l’objectif des amendements qui ont été adopté en commission.

L’examen en séance, les lundi 27 et mardi 28 mars, dans l’hémicycle, a permis d’aller plus loin encore en augmentant les sanctions, notamment le montant des amendes à l’égard des armateurs en infraction ainsi que l’ensemble des sanctions administratives, contre les compagnies qui n’appliqueraient pas nos lois sociales.
Au final, le mardi 28 mars au soir 153 députés présents sur 160 votaient pour ce texte, aucun contre, après deux soirées de débats. Le texte devrait maintenant être examiné au Sénat avant l’été. Ainsi, se fabrique donc la loi dans notre pays.

Je tiens à souligner que l’examen de ce texte en commission et en séance s’est déroulé dans un climat constructif où chacun a pu défendre ses amendements et faire valoir ses arguments dans le total respect de l’autre. Personne ne s’est « renié », personne ne s’est « rallié » mais, à la fin, c’est l’intérêt général et la survie de notre modèle social français maritime qui a prévalu !

Ainsi, l’examen de ce texte nous a démontré que l’Assemblée n’était pas vouée à être bloquée et que nous pouvions continuer de légiférer sur des sujets sensibles, et adopter unanimement des textes, indépendamment des aléas politiques nationaux.

Retrouvez la proposition de loi ici

 

– 2 mai 2023 –

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